L'ARIETTE II
L'Ariette I était glissement vers le paysage et, au sein de ce paysage, vers une eau létale, "tout bas". Partant d'un nous effacé, elle ne le restaurait que dans l'après-mort. La seconde commence, elle, sur un je, mais déjà cerné de fantômes et qu'elle n'aura de cesse de gommer. Elle offre aussi un autre exemple du glissement, qui prend ici la forme d'une régression obstinée : il semble qu'elle tende à fuir le vécu pour remonter au berceau-néant de l'expérience, tout comme les Aquarelles fuient l'amour physique.
Je devine, à travers un murmure, Le contour subtil des voix anciennes Et dans les lueurs musiciennes, Amour pâle, une aurore future ! Et mon âme et mon coeur en délires
5 O mourir de cette mort seulette |
L'Ariette II a souvent été considérée comme celle du balancement de Verlaine entre Mathilde et Rimbaud : "le symbole de sa vie ballottée (...) entre la pureté calme et l'aventure" [Antoine Adam, 1965, page 111]. Or, si l'expérience de la dualité est bien cruciale dans ce poème, les arguments ne manquent pas à l'encontre d'interprétations biographiques de ce genre. En particulier, ce type de projection se heurte à ce qui, pour ses tenants, ne peut être qu'obscurité dissimulation, pudeur ou censure : un refus, consubstantiel au projet de cette ariette, d'expliciter le contenu de l'expérience. Le thème obvie n'est pas tant ici l'amour (évoqué par de simples apostrophes, d'ailleurs au singulier) que le temps et les sensations, soumis pareillement à division : passé/avenir, visuel/sonore, mais sans que rien soit dit du vécu qui pourrait "remplir" ces catégories a priori.
D'autre part, si le dernier mot, "escarpolette" ancien titre du poème , fait indiscutablement de cette ariette le poème du battement, du va-et-vient, de l'oscillation entre deux pôles, le symbole, si symbole il y a, est solidaire d'un affaiblissement du sujet, un, qui serait capable de médiatiser les oppositions : le "je" qui lance le poème. L'Ariette II pourrait même se résumer au travail (de gommage, d'effacement) qui permet de passer du je à son absence dans l'escarpolette. Raison de plus pour se méfier du biographique, qui serait condamné à aller à contre-courant du texte.
L'étude la plus attentive de ce poème a été donnée par Paul Martin [in L'information littéraire, Belles Lettres, janvier-février 1982, pages 46-53], qui commence par réactiver l'image finale, "image insolite et hybride, assortie d'un de ces noeuds de figure dont Verlaine avait le secret et qui servaient de trame à ses plus "naïves effusions"". De même, il insiste, à propos du deuxième quatrain, sur celle de l'oeil double, mais pour en minimiser "l'effet tératologique" au profit de la "convenance métaphorique". Son analyse est donc avant tout rhétorique et tend à contester les lectures faites sous l'influence de l'Art poétique. C'est ainsi que, dans le dernier quatrain, il ne relève pas moins de dix figures, dont la plupart semblent servir une stratégie du retardement ou de la régression, selon le terme de référence choisi. Les effets seraient cités avant la cause. Mort (v. 9) ne désignerait que l'effet de l'escarpolette : métonymie. Seulette : hypallage et, surtout, "régression tropique". Escarpolette (v. 12) : énonciation de la cause retardée par une suspension rhétorique. Le sujet heures (v. 11) rejeté en fin de subordonnée ? Une suspension syntaxique, opérée grâce à une disjonction et à une inversion... Nous aurions ainsi toute une série de révélations partielles avant l'élucidation finale, le "symbole" de l'escarpolette ne nous serait livré qu'une fois toutes ses implications précisées. D'où aussi, accessoirement, la nécessité d'effacer le titre qui aurait empêché, non l'effet de surprise, mais l'effet d'éclaircissement et de construction progressifs. En revanche, P. Martin signale à peine le caractère allégorique des vers 9-11, qui nous montrent la Mort balancée par les Heures. Or s'il y a déplacement dans ce quatrain, c'est beaucoup plus par glissement à l'intérieur de cette allégorie : les personnages ("mort seulette", "jeunes et vieilles heures"), à peine esquissés, s'effacent au profit du balancement et même, plus précisément, de l'instrument de ce balancement. Pourquoi cette substitution de l'escarpolette à la mort, du substantif au verbe ("balançant"), du "symbole" à la fable allégorique ? Il nous semble qu'on ne peut répondre à la question qu'en en posant une autre : comment le poème passe-t-il du Je devine initial à Et mon âme et mon coeur (avatar du "je") sont un oeil ? Car là aussi, entre autres phénomènes, le verbe a été supplanté par un substantif de sens voisin et l'"action" (devine) par l'instrument l'organe correspondant (oeil). Ce dont se rapprochent encore les formules : "L'ariette, hélas ! de toutes lyres !" et "O mourir de cette mort".
Toutes ces subrogations paraissent aller dans le même sens et, de ce point de vue, le dernier mot ne peut être que solidaire du premier. Nous n'aurons donc pas, pour le comprendre, à étudier préalablement (comme se sent obligé de le faire P. Martin) "l'expérience qui fonde le symbole" et à nous demander, en recourant à nos souvenirs personnels et littéraires, si les "délicieuses affres" de l'escarpolette sont ou non une pâmoison ambiguë, à la fois défaillance et griserie. Tant pis pour la rhétorique des effets et des causes !
Le glissement syntaxique
On peut donc amorcer l'analyse du poème en s'attachant aux incipit de strophe et au dernier vers c'est-à-dire aux positions fortes : l'initiale apparaît comme le lieu privilégié de la construction syntaxique ; la finale, en reprenant le premier vers du dernier quatrain, contribue à "boucler" :
JE DEVINE, à travers un murmure,
(vers 1) ET MON AME ET MON COEUR en délires NE SONT PLUS qu'une espèce d'OEIL double (vers 5-6) O MOURIR de cette mort seulette (vers 9) O MOURIR de cette escarpolette (vers 12) |
Les Ariettes I, III et IV commencent, rappelons-le, par des formes impersonnelles : "C'EST l'extase", que nous avons analysé plutôt comme une construction d'impersonnalisation ; "IL PLEURE dans mon coeur" et "IL FAUT, voyez-vous, nous pardonner les choses" où l'impersonnel tend également à refouler des formes personnelles, présentes dans le vers mais subordonnées. Etrangement, l'Ariette II se distingue en commençant par le pronom "JE". Mais le poème va progressivement gommer ce pronom sujet : chaque initiale de strophe marquera une étape du processus. L'aboutissement est "O mourir", infinitif optatif, "variante impersonnelle du subjonctif" [J.-Cl. Chevalier et al., Grammaire Larousse du français contemporain, Larousse, 1964, page 372] plutôt que forme substantive du verbe, mais qui, en tout cas, biffe le "je". Cet infinitif lyrique note le moment où le sujet s'efface au profit de son voeu, comme s'il passait tout entier dans/ derrière celui-ci. Or ce voeu est justement un voeu d'effacement, de disparition. La syntaxe crée ainsi une forme-sens, comme dans "C'est l'extase...", mais à l'autre bout du poème.
Entre ces deux moments, le vers 5 prend valeur de transition : le possessif mon maintient le rapport à la forme personnelle initiale (et unique), mais permet aussi de glisser à la non-personne. Sans doute la substitution de la forme substantive à la forme pronominale prépare-t-elle également celle de l'infinitif à une forme conjuguée. MOURIR va en outre "prendre au mot" le verbe intermédiaire, NE SONT PLUS (QUE).
Dans cette strophe centrale, le nouveau sujet est double, ce que soulignent aussi bien la césure (après la troisième syllabe : "Et mon âme/ et mon coeur...") que la répétition de ET : P. Martin ne veut voir dans la première de ces conjonctions qu'une marque de conséquence, mais le double ET, au lieu d'unir, égrène, compte, sépare. On dirait que le sujet est gagné par la dualité qu'évoque le premier quatrain.
Quant au verbe transitif DEVINE, il est donc remplacé par une construction attributive : Ne sont plus qu'une espèce d'oeil double, l'adjectif reprenant en charge la dualité propre à l'objet en Q. I. Identification du sujet à l'organe de la vision non à la vision même , qui sert un travail de superposition, de mise en abyme que continue le reste de la strophe : ce qui devrait être vu (l'ariette) passe dans l'oeil même. Tout se recouvre, les mécanismes de la vision sont inversés et annihilés. A ne prendre que le lexique, on va vers l'extérieur (AME-OEIL-JOUR), mais la disposition des termes est régressive et, de fait, on plonge dans on ne sait trop quelle intériorité, où l'inclus l'emporte sur ce qui l'intègre. Un creusement au lieu d'une perspective. Le spectacle est entré dans l'oeil, lui-même organe "interne", moral, et impuissant. Un phénomène de hantise. En Q. I, tout se déployait à partir du "je". Ici, tout se résume à l'ariette.
Au vers 9, MOURIR a pour complément MORT qui pourrait n'être qu'une simple substantivation, destinée à servir de support à une suite adjectivale épithète et relative , un artifice permettant de qualifier le verbe par un équivalent d'adverbe ("mourir d'une mort atroce" = "mourir atrocement"). Mais la présence de CETTE implique entre les deux mots un rapport de dépendance inverse : l'infinitif suggère le désir de se soumettre à une mort qui préexiste logiquement, à une mort présupposée, qu'elle soit définie par ce qui précède ou qu'elle le soit par la relative déterminative (ou même que ce voeu soit celui de rendre la mort effective, car on peut la soupçonner ici de se perpétuer dans le balancement, trahissant ainsi son être).
On pourrait s'interroger sur les rapports qu'entretient cette dernière strophe avec la précédente, voire se demander si elle en entretient. La relation passerait obligatoirement par CETTE. Or on peut voir dans ce mot un pur cataphorique (1), renvoyant non à ce qui précède, mais à ce qui suit : "O mourir de la mort que balancent les heures !" avec en plus, peut-être, une valeur monstrative, servant un effet de "présentification" de l'allégorie ou un effet d'emphase, dans la mesure où l'article défini suffirait, combiné à la relative déterminative. Mais il est plus probable que, comme dans l'ariette précédente, CETTE est un anaphorique permettant de varier les dénominations imposées à un même référent. MORT SEULETTE serait alors synonyme d'un terme déjà énoncé... qu'il reste à identifier. En effet, comme le remarque H. Weinrich [Grammaire textuelle du français, Didier-Hatier, 1989, pages 228 et 233], le démonstratif peut signaler "la difficulté de la référence" tout autant que mettre cette dernière en évidence.
Qu'est-ce alors qui serait rebaptisé MORT SEULETTE? Est-ce tout le contenu de la strophe II, et plus particulièrement "[le fait que] mon coeur et mon âme ne (soient) plus qu'un oeil double" ? On peut certes voir dans cette restriction l'esquisse d'une mort, mais le renvoi se fait plutôt à l'ARIETTE et rien qu'à elle, la suite ("de toutes lyres") introduisant une notion d'impersonnalité ou de généralité qui serait difficilement conciliable avec SEULETTE. Les démonstratifs, eux-mêmes en ETTE, construiraient alors un paradigme des diminutifs (ariette, mort seulette, escarpolette) dont ils seraient partie prenante. La prosodie venant ainsi confirmer le système des anaphores.
L'ariette tremblote, la mort est balancée : l'identification gagne en certitude, d'autant que les verbes aussi se font écho ( [b-lã]-[ãbl-]). Mais, fondamentalement, le rapprochement sémantique demeure du domaine de l'arbitraire (celui du poème) : il se construit sans que nous puissions espérer l'aval du dictionnaire ou de l'expérience. L'équation ARIETTE = MORT nous est imposée : à nous d'en tirer les conséquences... à savoir qu'une fois de plus, la romance a partie liée avec la mort.
"O mourir de cette escarpolette !" : pourquoi redoubler le voeu, en renonçant au rapport sémantique MOURIR-MORT ? Le vers est d'autant plus surprenant que les balançoires sont rarement fatales... Une fois de plus, le démonstratif impose une dénomination nouvelle et énigmatique. L'hiatus est tel qu'on hésite. Certes, il y a eu BALANCANT, mais précisément, l'allégorie nous incitait à imaginer la "mort seulette" sur une escarpolette poussée par les Heures. Ce qui disparaît maintenant, c'est la personnification qui s'imposait elle-même sur fond d'impersonnalisation ("O mourir"). Une nouvelle réduction aboutit à préférer encore l'instrument à l'allégorie et au mouvement même.
Cependant, si on compare à MORT SEULETTE, ESCARPOLETTE réintroduit du duel ou, plus exactement, réalise un compromis entre DOUBLE et SEULETTE : le mot subsume unité et bipolarité. L'instrument neutralise ainsi non seulement l'"action", mais aussi tout le poème : la dualité se réfugie au sein même de l'unité.
Affaiblir l'expression de la personne et les verbes pour substituer aux "actions" (devine, mourir, balançant) les "instruments" correspondants (oeil, mort, escarpolette), telle semble être la logique régressive de ce poème. Une sorte de fétichisation qui s'attache aux outils du supplice, si l'on veut. Tout en respectant l'ordre sensations-mort-balancement, canonique chez Verlaine : le "roulis" venait déjà après l'expiration dans l'Ariette précédente, et on connaît assez le thème du bercement de l'après-mort.
Revenons maintenant en arrière pour préciser les étapes de la substitution.
Ambiguïtés du premier quatrain :
Fidèle à sa stratégie du recours à l'expérience primordiale, P. Martin nous demande d'imaginer le salon des Mauté pendant une accalmie entre Mathilde et Verlaine. La belle-mère est au piano (cf. l'interprétation traditionnelle de l'Ariette V), la jeune femme chantonne. Et voici le poète "presque revenu au temps de la Bonne Chanson, accessible au mirage du calme bonheur au foyer". Dans le "murmure" de Mathilde, il retrouve le souvenir de la voix d'Elisa, comme à l'époque des fiançailles, et rêve d'une nouvelle aurore : "Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore" (Bonne Chanson IV). "Il n'a pas plutôt deviné le contour des voix anciennes qu'il redescend du passé vers le présent... Il baigne "dans les lueurs" d'une aube au-delà de laquelle il entrevoit, il devine une aurore."
Cette reconstruction ne nous paraît pas licite dans la mesure où le quatrain se construit justement sur le refus de donner un contenu aux sensations et évite soigneusement de répondre aux questions : qui parle ? Que dit-on ? Qu'est-ce qui s'éclaire ? Qui aime-t-on ? Toutes les présences sont maintenues loin à l'arrière-plan, la sensation fonctionne à vide et c'est sans doute ce qui explique l'échec ultérieur.
En apparence, cette strophe se partage également entre passé et avenir, chaque fois vus à partir du présent. Passé : le "je" distingue, "à travers un murmure", des "voix ANCIENNES". Avenir : dans les "lueurs", il discerne une "aurore FUTURE". A deux reprises, il passe de l'indistinct (murmure, lueurs) à du précis (contour, aurore). Une sorte de symétrie généralisée affronte (et figure) rétrospection et prospection : les rimes embrassées sont soulignées par l'opposition de deux couples, associant pareillement temps et son : "murmure"/"anciennes" et "musiciennes" /"future". La césure des ennéasyllabes, si tant est qu'on puisse lui attribuer deux positions différentes (2), semble se déplacer selon le même schéma : 3/6, 5/4, 5/4, 3/6 :
Je devine, / à travers un murmure, Le contour subtil/ des voix anciennes Et dans les lu-eurs/ musici-ennes, Amour pâle,/ une aurore future ! |
Les articles indéfinis (un, une) encadrent les articles définis (le... des..., les) et les singuliers font de même des pluriels. Pour le sens, on passe par trois fois du sonore au visuel :
murmure contour voix lueurs musiciennes aurore |
de sorte que les deux vers centraux réalisent une alliance des deux types de sensations : contour... des voix, lueurs musiciennes. Enfin, dans cette même structure symétrique, se correspondent les deux "personnages" d'un dialogue, à l'initiale des premier et dernier vers : "JE devine" et "AMOUR pâle" (qui biffe un "J'entrevois" [éd. Garnier, page 732]).
Pourtant, cette évocation ne se réduit pas à du binaire, fût-ce organisé d'un point de vue unique (le présent). Il n'y a pas (seulement) deux moments successifs, mais bien une forte continuité. D'abord, une continuité qui semble aller de soi : le passé est évoqué avant le futur, le présent jouant le rôle de passage obligé. Mais en outre, alors que le premier moment associe dessin et voix, le second lie lumière et musique, ce qui est mieux (on songe à la statue de Memnon, citée à la fin de l'Epilogue des Poèmes saturniens). Et même, sous l'évidente symétrie, on décèle une progression sémantique par concaténation : d'un côté, "murmure"-"voix"-"musique" ; de l'autre, "contour"-"lueurs"-"aurore" : deux gradations, deux mouvements qui se superposent et s'emboîtent indépendamment du cadre temporel. DANS succède à A TRAVERS comme si l'opacité laissait place à l'immédiateté de la perception : le deuxième mouvement apparaît bien plus facile que le premier. Quant à l'expression "lueurs musiciennes", elle semble prendre appui sur "le contour... des voix" pour resserrer encore la relation entre visuel et sonore : la lumière esquissée produit la musique. Le présent, qui sert en principe de temps charnière, serait donc gommé au profit d'un élan quasi autonome du sensible vers la lumière-musique-avenir. Sans doute faut-il voir dans cet effacement (dont témoigne la suppression de "J'entrevois" qui, au début du vers 4, confortait la symétrie en répétant presque les premiers mots) la préfiguration de l'"escarpolette", de la division du je privé de tout ancrage (3).
Le traitement des semi-consonnes dans les vers centraux est significatif de la progression même s'il se justifie parfaitement selon les règles de la versification classique (4). "Et dans les lu-eurs musici-ennes" comporte deux diérèses, ce qui aboutit à rompre la symétrie des rimes embrassées en dissimilant "anciennes" et "musici-ennes" (5). Imposant de vocaliser à l'extrême, de "détailler", ces diérèses vont peut-être dans le même sens que les redoublements de voyelles, voire de syllabe, de "une aurore future" ([òRòR--y-yR]). Ce dernier phénomène rappelle un vers de l'ariette précédente, "O le frêle et frais murmure !". Le mot murmure est d'ailleurs présent ici, en amont : nous aurions le même sommet "musical", mais organisé cette fois sans l'onomatopée.
Au reste, l'ambiguïté entre symétrie et progression était programmée dès les premiers mots : "Je devine". Deviner, ce peut être aussi bien "découvrir par des moyens surnaturels ce qui est caché dans le passé, le présent ou l'avenir" (Littré) qu'"entrevoir", comme le disait la première version. Si celle-ci est apparue inacceptable, c'est qu'elle tranchait dans le mauvais sens alors que cette strophe glisse du sens faible ("voir à peine, avec peine") au sens fort. Et A TRAVERS était la préposition la plus apte à relayer le double sens, à faire du murmure aussi bien l'obstacle à traverser que le "médium" de la vision : au vers suivant, "contour subtil" évoque une sorte de linéament, à peine perceptible, analogue aux "nimbes d'anges défunts" de A Clymène : il y a là du fantomatique, qui souligne ce que "voix" implique comme souvent chez Verlaine de dématérialisation et d'absence. Ce n'est qu'ensuite que le "je" semble se prendre à l'illusion de son pouvoir de "devin" : d'où le DANS de l'immédiateté.
Cependant, l'exclusion de "J'entrevois" s'est faite au profit d'Amour pâle. Apostrophe et non apposition, mais le fait que beaucoup se soient posé la question montre qu'il y a là un problème de construction, et donc de sens. En revanche, nous n'avons aucune raison d'essayer de "deviner" Mathilde ou Rimbaud derrière cette adresse : le flou du contexte nous incite à y voir, à la suite de J. Robichez [éd. Garnier, note 6, page 582], "l'amativité" de Verlaine, aussi dépourvue de contenu que les lueurs, le murmure ou les voix. C'est, à certains égards, une simple transposition du "je", mais d'un "je" qui commence à se diviser, comme sous le coup de l'excès de la vision, comme par une revanche du présent qui refuserait de se laisser oublier et reparaîtrait ici brutalement. Toutefois, juste assez étranger à la première personne pour s'en distinguer, "amour" ne l'est pas suffisamment pour accéder au "tu".
Par la place où elle intervient, cette apostrophe a des effets ambivalents. D'une part, l'incise brise la continuité qui s'était installée, mais, en même temps, permet une gradation dans la longueur des membres de phrase (3/6 syllabes), analogue à celle qui caractérisait les deux premiers vers (3/6/9 syllabes) mais ne pouvait être prolongée. Elle relance donc la progression, indirectement.
D'autre part, le vers juxtapose pâleur et lumière ("aurore") : confrontation du frêle présent et de la promesse, qui permet de détacher celle-ci, en une espèce d'ostension, mais qui, aussi, souligne et creuse in fine la distance entre le présent et l'avenir, alors que tout jusque là suggérait la continuité.
"Amour pâle, une aurore future !" Le rythme utilise le mètre 3 + 6 pour construire un fort contraste, entre un premier membre dont la constriction aboutit à contre-accentuer "pâle" et un second, de longueur double, où l'importance des voyelles semble en raison directe à la fois de cet élargissement et du desserrement opéré à partir de la diérèse : È È È È È . Dans son glissement, l'Ariette I, au contraire, distinguait nettement les deux moments : le deuxième sixain commençait par les répétitions de syllabes ("O le frêle et frais murmure !") et continuait par les contre-accents ("bruit doux", "roulis sourd"). Nous verrons plus tard d'autres façons d'utiliser le mètre "en tension", selon d'autres rythmes, mais nul doute que ce vers 4 contribue à fixer la césure de l'ennéasyllabe.
La symétrie rétrospection-prospection portait donc en elle-même de quoi la faire éclater : temps et sensations tendent irrésistiblement à se vectoriser et à contrer cette ordonnance "raisonnable". La tension que crée cette continuité porte surtout sur le présent, et donc sur le "je". Celui-ci, à la fois capable de et réduit à deviner la lumière, accouche d'un alter ego à qui manque justement la lumière ("Amour pâle"). Cette partition, stratégique si l'on songe à la construction du quatrain et au contre-accent, va se confirmer dès le début de la strophe suivante. Comme on l'a dit, "ET MON AME / ET MON COEUR..." consacre en effet à la fois l'effacement de la première personne et la division du sujet. Le Et initial, consécutif, s'ajoutant à l'autre, aboutit à délier : paradoxe même du quatrain qui vient de finir et où la continuité se solde par la rupture, dans un seul mouvement.
Deuxième quatrain : du double à la tension entre diminutif et générique :
C'est donc maintenant le "je" qui est affecté par la dualité. Nous avons jusqu'à présent interprété le rapport entre Q. I et Q. II comme une transformation :
JE | DEVINE | X et Y |
MON AME ET MON COEUR | SONT UN OEIL | DOUBLE |
Mais constatons le retour de la préposition à travers et essayons de jouer à fond le jeu de l'homologie structurale, en considérant que la transformation porte sur la totalité des deux strophes :
JE |
DEVINE |
A + B |
MON AME + MON COEUR |
SONT UN OEIL OU TREMBLOTE |
A |
("A" ayant la forme : "à travers X, Y") |
La dualité est passée de "A + B" (les sensations) à "Et mon âme et mon coeur" mais, comme en corollaire, les sensations semblent avoir pris au "je" son unité : au lieu de "LE CONTOUR... DES VOIX" + "UNE AURORE FUTURE" ("X et Y"), il n'y a plus que "L'ARIETTE... DE TOUTES LYRES". En fait, cet échange entre simple et double participe d'abord d'une inversion généralisée. A la rime, au lieu d'une disposition singulier/ pluriel/ pluriel/ singulier, on trouve : pluriel/ singulier/ singulier/ pluriel ("délires"/ "oeil double"/ "jour trouble"/ "toutes lyres"). Même chose pour les déterminants : ce sont cette fois les définis (mon, mon et l', toutes faisant cependant exception) qui encadrent les indéfinis une et un. En outre, tandis que le premier quatrain allait du sonore au visuel, c'est ici l'inverse...
Le sens aussi est pris dans ce renversement. Par exemple, tremblote affaiblit la lumière alors qu'en Q. I, on passait de lueurs à aurore et qu'on percevait le contour. A travers était certes ambivalent, mais permettait d'aller de l'indistinct au précis, de reconnaître les "voix anciennes" : ici, la même préposition introduit un JOUR qui fait obstacle, et l'ARIETTE tend à se noyer dans le général ("de toutes lyres").
Surtout, le spectacle passe dans l'oeil, l'habite ("oeil double// Où tremblote..."), comme si la perspective même s'était inversée. Ce n'est pas seulement la dualité qui est transposée au sujet : l'identification de celui-ci à l'organe de la vue y transporte également l'objet de la sensation. L'oeil est devenu une sorte de miroir, d'eau embrumée (cf. l'Ariette IX et Streets II) où s'immerge la perception. Le sujet divisé est désormais privé de son statut de médiateur : s'il est oeil, ce n'est pas pour devenir vision pure, au sens de pouvoir de voir, mais sa vision même, au sens de spectacle, voire de paysage. Un lieu, occupé par la réfraction. L'inversion aboutit alors à une négation complète du JE DEVINE initial, le "je" n'est plus qu'un oeil hanté.
Ce jeu de miroir divise donc le "je" et, pour l'oeil, cela conduit au paradoxe de l'oeil double car, nécessairement, la dualité ne pouvait s'installer ici qu'en niant un duel "naturel". A la vision binoculaire (deux font un), Verlaine oppose, non un Janus bifrons comme le soutient P. Martin en songeant encore à la dualité prospection-rétrospection, mais un "Cyclope perturbé", monstrueux doublement : un UN, négation de la paire, se divise en DEUX. Au fonctionnement par complémentarité se substitue une scission interne et l'oeil double devient l'équivalent du "je" éclaté, car c'est par lui que passe l'inversion.
La strophe va ainsi de ce qui devrait être l'interne ("âme" et "coeur") à ce qui devrait être externe ("jour" et "ariette", avec un véritable petit paysage verlainien), mais en échangeant les positions et en creusant, au lieu d'ouvrir sur l'aurore.
Selon P. Martin, et dans la logique de l'oeil-Janus, la diplopie serait normale pour les deux prunelles de notre âme, capables de fournir deux images distinctes du passé et de l'avenir. "ARIETTE", image singulière, suggérerait donc une confusion temporelle, une indistinction. "Dans le jour trouble où il se plaît, le passé et l'avenir ne lui [à Verlaine] offrent plus qu'un seul et même visage, une seule et même image qui tremblote sur l'écran de sa conscience crépusculaire" (p. 51). Mais cette psychologisation revient à nier toute étrangeté, à normaliser le tératologique. Certes, comme nous l'avons dit,
.............à travers un jour
trouble, L'ariette, hélas ! de toutes lyres ! |
correspond à :
..................... à travers un
murmure, Le contour subtil des voix anciennes Et dans les lueurs musiciennes, ...................... une aurore future ! |
si l'on veut tenir l'homologie entre les deux strophes , mais on voit bien que la ressemblance est surtout frappante avec le premier terme (vers 1-2). Et qu'elle souligne des différences : Q. I allait du sonore au visuel, l'un faisant la courte échelle à l'autre. C'est cette continuité qui maintenant disparaît, parce que "JOUR TROUBLE", au contraire de "MURMURE", n'est pas prémices, mais obstacle, voile d'autant que le mot a peut-être aussi un sens temporel : ce serait le (triste) présent. Les deux ordres de sensations s'opposent et A TRAVERS, ayant changé de valeur, ne peut plus céder la place à DANS comme il le faisait au vers 3. Une synesthésie comme lueurs musiciennes est maintenant exclue.
Pourtant, au vers 8, se produit un passage du visuel au sonore ("ariette"). Un passage brutal. P. Martin a beau dire que "la figure qui substitue ici au sujet attendu sa correspondance auditive ne fait que prolonger le jeu de synesthésie du premier quatrain", nous sommes surpris : DEVINE pouvait introduire du sonore, pas OEIL. Et même si le verbe TREMBLOTE atténue un peu l'incompatibilité sémantique dans la mesure où il peut aussi décrire la voix, JOUR TROUBLE est venu entre-temps réaffirmer la prééminence du visuel, faisant attendre une image. Enfin, le rapport mètre-syntaxe, qui tend à isoler dans le dernier vers le sujet retardé, renforce l'effet de déconcert.
Rien ne sert sans doute de chercher le pourquoi de cette involution du visuel au sonore. Ce qui importe en revanche, c'est de constater l'opposition et le rebroussement, qui font sens par rapport au premier quatrain, notamment dans le jeu des A TRAVERS. Le ET initial, si tant est qu'il annonçât un rapport de conséquence, a préludé en fait à une véritable inversion des signes. L'affaiblissement de la lumière fait refluer vers le sonore, un sonore substitutif, en rupture avec le visuel, comme le montrera l'analyse prosodique.
Toutefois, à la différence de la première, où le retour du singulier suggérait la maîtrise du futur, la strophe II ne revient pas à l'unité. C'est en grande partie du multiple qui apparaît, et cela très tôt. Dès le vers 5, le pluriel de "EN DELIRES" souligne l'irréductibilité de l'éclatement : AME et COEUR mènent, chacun pour son compte, leur propre délire. L'histoire personnelle se souvient ici de l'histoire de la poésie telle que la racontent les Poèmes saturniens. L'Epilogue, pour condamner l'inspiration, exploitait en effet la rime traditionnelle "délire"-"lyre" :
La Colombe, le Saint-Esprit, le saint Délire, Les Troubles opportuns, les Transports complaisants, Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre, Ah ! l'Inspiration, on l'invoque à seize ans ! (vers 45-48) |
et le Prologue mettait déjà les deux mots au pluriel en les associant également au TROUBLE :
L'Action qu'autrefois réglait le
chant des lyres, Trouble,enivrée, en proie aux cent mille délires Fuligineux d'un siècle en ébullition, L'Action à présent (...) C'est l'ouragan, c'est la tempête,c'est la houle..." (vers 61-65) |
La multiplicité fait décidément du délire une perturbation, un mal : "L'ariette, hélas ! de toutes lyres !"
D'autre part, une chaîne en [du, tu] conduit de DOUBLE à TOUTES, en passant par TROUBLE. Elle a commencé en Q. I, avec CONTOUR : l'évolution du distinct au confus, du singulier au "double", puis au pluriel, y apparaît nettement.
Mais, peut-être plus que le multiple, c'est le générique qui triomphe. Il émerge dès UNE ESPECE DE. P. Martin voyait là une chute dans la "prose explicative" destinée à "excuser l'à-peu-près d'une image fantastique" celle (tout de même !) de l'oeil double. En fait, cette tournure est profondément motivée, comme souvent les prétendues chevilles. Même dans une logique de l'approximation, elle serait à mettre en rapport avec TROUBLE, voire avec le CELA RESSEMBLE de l'ariette précédente : ici aussi, il y a "dégénérescence", en liaison avec le verbe être. Mais surtout, elle prépare le "de TOUTES lyres" final.
Contre cette montée du générique, la première partie du vers (trois syllabes) introduit des diminutifs : la restriction NE SONT PLUS (Qu') les prépare, en opposition à UNE ESPECE DE et à DOUBLE. Puis les vers 7-8 mettent TREMBLOTE face à JOUR TROUBLE, l'ARIETTE face à TOUTES LYRES. Ces vers n'aboutissent donc pas au simple, mis en lieu et place du double (comme le suggère P. Martin), mais disent une tension du faible, du ténu contre le perturbé ou le multiple. Une des formes, si l'on veut, de la tension entre le vague et l'aigu, qui redouble dans le vers la tension, vécue sur le mode du A TRAVERS ["Le thème profondément verlainien et déjà tout symboliste de la vision ou de la conscience à travers un écran d'apparences, de brumes ou de souvenirs" : J.-P. Richard, page 169], entre JOUR TROUBLE et ARIETTE. Mais il serait plus fructueux de lire le vers 8 en se référant à "Le choeur des petites voix" (Ariette I, également en fin de strophe) : le pluriel, cette fois, n'est pas subsumé par un "choeur", mais mine le singulier, tandis que le diminutif se déplace corrélativement. C'est là comme l'envers de la "romance sans paroles", ou une nouvelle définition de ce "décomposé" instable : non plus la voix effacée, mais la musique dominatrice (6). Or, dans l'échelle parole-voix-musique, cette dernière, comme l'a montré A Clymène, est du côté de l'impersonnalisation, de l'absence.
Jean-Pierre Richard [pages 169 et 176] voit dans l'ariette... de toutes lyres une "musique informe et délirante", mais aussi "la voix d'un lyrisme impersonnel", opposée à la "ligne mélodique ou lumineuse d'une destinée particulière" : certes, la glose associe quelque peu arbitrairement des mots du poème ("délires", "voix", "lyres", "contour", "aurore"), mais pourquoi pas ? Bien évidemment, deux gauchissements sont à éviter : d'une part, la recherche, par souci d'élucidation mal placé, d'une précision douteuse (identification à la poétique rimbaldienne ou à la romance fleur-bleue, comme cela a été fait) ; d'autre part, l'utilisation de ce vers 8 comme "art poétique" TOUTES tire beaucoup moins vers une notion de totalité (on aurait "toute lyre" ou "toutes les lyres") que vers l'indéfini on pourrait paraphraser : "de n'importe quelle lyre", pour souligner un élément de péjoration qui justifie le "hélas !". C'est donc le générique qui fait l'échec : l'ariette sans paroles devient la proie de toutes sortes de musiques, ou d'une musique qui nie l'individualité. Conséquence logique de l'impersonnalisation qui se trame depuis le début du poème. Et le choix d'une rime aussi académique que "lyres"-"délires" va dans le même sens.
Les voix se perdent : Q. I laissait espérer une reconquête de la présence, Q. II s'achève sur une perte d'identité. Ce n'est plus une aurore qui se lève pour un visionnaire, mais une romance désuète qui se rejoue toute seule, quasiment. Peut-être aussi le refus de donner un contenu à l'expérience ici évoquée est-il sanctionné par une revanche de l'instrumental ("lyres") ?
Cependant, on n'en aurait pas terminé avec cette strophe si on ne disait mot de la construction métrique-prosodique-syntaxique extrêmement complexe des vers 6-8. Trop souvent, on s'est borné, comme Louis Aguettant [page 100], à signaler l'allitération des trois [tr-] du vers 7, ou, comme Claude Cuénot [1963, page 233], à faire un sort à "tremblote" :
"Le verbe expressif tremblote (occlusives et continues qui se neutralisent, le tremblement étant une sorte de "paralysie" active) déclenche une onde de choc qui domine tout le vers où il figure et va mourir dans le vers suivant."
Où l'on voit bien qu'une pensée de la motivation phonique dirige, au détriment du système prosodique-rythmique : car, si l'on peut déceler dans ces vers une micro-construction, on doit se résigner à la faire commencer dès avant tremblote.
Premier élément : l'allitération en [tr-] est lancée par les deux [d-] consécutifs ("d'oeil double") de la fin du vers précédent, mais cette répétition de consonnes était elle-même préparée par le dédoublement "Et mon âme et mon coeur...", relayé par une série allitérative en /n,s,p/ qui commençait de resserrer :
Ne Sont Plus / | qu'uNe eSPèCe | D'oeil Double |
n s p | n sp s | d d |
Comme si ce vers bégayait de plus en plus fort, diction de la péjoration qui frapperait "espèce" et "double" mais aussi nierait la restriction et le singulier au profit du générique et du duel, construisant la prosodie du "double". Ce dernier mot est en effet si marqué par le rythme (contre-accent) et par la prosodie que toutes les reduplications semblent converger vers lui, sinon l'exiger comme leur terme idéal, celui qui en dit le sens. Il est d'ailleurs symptomatique que le vers suivant triple, lui, les [tR-] comme si le "trouble" était exacerbation du "double" :
Où TRemblote . | à TRavers un jour | TRouble |
tR | tR | tR |
En effet, si la prosodie mime le tremblement, elle vient avant tout, là aussi, souligner le dernier mot, TROUBLE, lié par la rime à DOUBLE et bénéficiant comme lui du cumul des marques prosodique (les attaques de mots en [tR-]) et rythmique (le contre-accent).
Privilégier un TREMBLOTE isolé, c'est aussi négliger le rôle des [u], alors que "Où tremblote" ferme le vers 7 avec la collaboration de "jour trouble". Ce cadre [utR-bl'... uRtRubl] suggère l'enfermement dit par le "où". Il est d'ailleurs révélateur que ceux qui ne remarquent pas le relatif oublient également les /u/ : il importe au contraire de lier fermement inclusion et pluriel ("double", "trouble", "toutes") pour définir le tremblement comme emprisonnement et bougé comme perturbation du Un. Ce qui se poursuit probablement dans le vers suivant : "L'ariette... de toutes lyres", /l.Ri....liR/.
Et s'il fallait absolument sauver TREMBLOTE, plus que sur l'idée de "tremblement", c'est sur le suffixe qu'il faudrait insister. En faisant intervenir le mètre : nous avons vu que la césure partageait le vers entre un sous-groupe court et un sous-groupe long (3/6), entre le diminutif et le pluriel-générique. En même temps, en liaison avec la rime, elle souligne certains échos :
Ne sont PLUS/ qu'une esPèce d'oeil
douBLE Où tremBLOTE/ à travers un jour trouBLE L'aRI-ETTE,/ hélas ! de toutes LYRES ! |
Le [pl'] ou [bl'], qui fait un seul paradigme de la négation et du premier diminutif, reparaît deux fois en fin de vers, mais cette fois après l'accent. Celui-ci a l'air de remonter pareillement vers l'attaque de mot au vers 8, "lyres" faisant écho à "L'ariette" amputé de son suffixe : [l-Ri], [liR]. Double, trouble et lyres semblent donc s'opposer aux mots placés à la césure comme tronquant des "terminaisons" diminutives-restrictives, ce qui serait cohérent avec la signification attachée au second segment de vers. Et l'on voit bien dès lors comment les attaques consonantiques viennent renforcer l'accent en fin de vers, comme en s'y engloutissant : le soulignement qui résulte de la confusion des marques se construit par la suppression du diminutif.
Il y a enfin dans la strophe une augmentation assez régulière du nombre des consonnes, suivie d'une brusque décrue : 9-13-15-10. Mais ce n'est pas simple affaire de chiffres, de ratio voyelles/consonnes : on a l'impression que le vers 7 superpose le consonantisme des deux vers qui l'encadrent. Du vers 6, il conserve notamment les [pl-] ou [bl-], en même position, et il garde des dentales, changeant simplement les [d] en [t] ("double"/ "trouble"). Du vers 8, il annonce les [t], [l] et [R], mais en entravant les occlusives : "TRouBLe" est encore le mot qui résume tout cela. La superposition ne réaliserait-elle pas un "croisement" prosodique précisément parce que ce vers 7 est celui qui projette l'un sur l'autre le visuel et le sonore, celui qui énonce un "à travers" ? (7) La motivation a priori des sons n'aurait donc aucune pertinence : le "tremblotement" est plutôt le brouillard à travers lequel percera l'ariette...
Le vers final apparaît ainsi, par contraste, comme un moment de grande simplification celui où se libère l'ariette ? Fonctionnant en partie avec les [R] et les [l] et comportant, au lieu de groupes consonantiques (tr-, bl-), une diérèse, il n'est pas sans rappeler la "vocalisation" de "lu-eurs musici-ennes" et "aurore future". Mais il naît aussi du vers 7 : plus exactement, constitué d'un groupe nominal sujet retardé, il s'en détache, après le sommet "butoir" de jour trouble, comme poussé par un rebond de consonnes : "...trouble/ L'ariette...", qui déterminerait le triplement des syllabes en /l-/. De même que les /tR-/, celles-ci passent de l'attaque de mot à la position sous l'accent :
L'ARI-eTTe, héLAs ! de TouTes LYRes
!" l a la liR |
mais la différence est qu'il n'y a plus de contre-accent final et que ce glissement est consommé dès "hélas !" : la satisfaction de l'attente, la chute de la phrase et la déploration s'alliant pour suggérer la déception.
Le contre-accent sur "jour trouble" rappelle peut-être ceux de l'Ariette I : "bruit doux", "roulis sourd" mais lui élimine le [i]. Et si les rimes des deux passages tournent sur les mêmes voyelles, ici "délires"-"double"-"trouble"-"lyres", là "doux"-"expire"-"vire"-"cailloux", cette fois-ci, les [i] l'emportent pour finir. Le premier poème jouait l'oxymore, celui-ci oppose successivement un vers-écran et un vers "de la musique qui traverse" : L'ARIETTE et LYRES, les mots du sonore, le premier au moins faisant sans doute écho à lueurs (musiciennes) et à aurore, mais les deux préparant ensemble, [Ri] + [iR], le terme qui va les concilier au tout début de la dernière strophe : mourir. Ainsi se confirme de la romance à la mort le lien qui tient tout le poème, de murmure à mourir, en passant par amour.
Le troisième quatrain : ESCARPOLETTE et exacerbation des contrastes :
Reprenons d'abord par le mètre, maintenant solidement établi selon un schéma 3 + 6 qui a permis d'opposer diminutif et générique (ou pluriel). Or, en Q. III, intervient une modification importante : le diminutif change de place pour venir occuper le second membre du vers ("/ de cette mort seulette", "/ de cette escarpolette"), tandis que le premier se voue aux verbes. Ce découpage singulier aboutit ainsi à contraster deux paradigmes grammaticaux qu'on trouvait auparavant dans le premier segment métrique ("Ne sont plus/", "tremblote/", "L'ariette").
Dans la série des verbes dominent, à chaque extrémité, les deux "Ô mourir". Nous n'y reviendrons pas. Au milieu, une périphrase verbale "éclatée". S'en vont n'est plus seulement un quasi-auxiliaire de forme progressive mais, grâce à son isolement suspensif (et à la faveur de son entrée dans le paradigme de Ô mourir), retrouve de son sens plein, suggère une fuite, en tout cas un mouvement (8). Quant au participe balançant, il refait l'équivalence très verlainienne entre la mort et le "roulis", le "bercement". Echo prosodique et sémantique de TRemblOTE, il nuance cependant le thème : le balancement est un tremblement plus doux, plus ample, et surtout qui peut se prolonger indéfiniment comme si la mort pouvait se perpétuer sans advenir.
Ce paradigme semble donc caractérisé par l'ambiguïté, entre la disparition suggérée ("s'en vont") ou souhaitée ("ô mourir"), et la rémanence : "périphrase durative" (9), voeu à l'infinitif supposant que la mort n'a pas tué, et le "balançant" qui suspend en quelque sorte la menace contenue dans "tremblote". Mais l'allégorie qui se construit ici ne consiste-t-elle pas justement à rendre les heures et la mort contemporaines, à les rassembler en un tableau le contraire de l'"Ultima necat" ?
Le second paradigme, nous l'avons dit, tient autant par les diminutifs que par les démonstratifs, le dernier mot ("escarpolette") renvoyant à la fois à "tremblote", à "ariette" et à "mort seulette". Solidarité de la musique, de la mort et du balancement, qui se renforce d'un archaïsme commun : seulette, terme de bergeries, est attesté chez Favart, comme bien sûr ariette, les deux évoquant le XVIII° siècle des Fêtes galantes et des escarpolettes (cf. Pater, Fragonard et Watteau lui-même) (10). "Un air bien vieux, bien faible et bien charmant", dira l'Ariette V (11). Ce qui est en cause ici, c'est bien la rémanence du passé dans le présent, une persistance qui rend impossibles la mort aussi bien que l'adieu aux Fêtes galantes. Le poème s'installe dans la régression.
Le contraste de longueur entre les deux segments métriques se renforce d'un contraste rythmique, vif surtout dans le dernier vers où l'on compte deux accents en trois syllabes ("O mourir/"), puis une séquence, rare en poésie, de cinq syllabes brèves ("/ de cette escarpolette"). Dans ce contraste entre un groupe bref suraccentué et un groupe long désaccentué, ne pourrait-on voir la figure métrique-rythmique de l'escarpolette ? Mais c'est certainement aussi, à son comble, la tension entre le souhait de mort et la rémanence impossible à réduire, si ténue, si proche du vide soit-elle. La confrontation des deux groupes prend une allure ironique, grinçante, que renforce le recours à un vocable désuet, à un diminutif, désignant pour instrument du supplice une espèce de jouet. Au dédoublement du début du poème se substitue la discordance : le mètre y a été pour quelque chose.
Cependant, nous avons laissé de côté le deuxième segment des vers 10 et 11. Y réapparaissent deux thèmes de la première strophe : ceux de l'amour et du temps. A cause de la construction syntaxique, "jeunes et vieilles heures" est le terme le plus attendu, parce que sujet (le seul à vrai dire de la strophe), et sujet retardé. Or, alors que Q. I évoquait successivement passé et avenir ("anciennes" et "future" à la rime), ce dernier quatrain présente une temporalité morcelée et sans contenu. Que "jeunes" vienne en premier se justifie peut-être logiquement, mais ce n'est plus le même ordre du tout que dans la première strophe puisque nous partons déjà du passé, et pour nous y enfoncer au lieu de progresser. Ce parti-pris est d'ailleurs cohérent avec la multiplication des archaïsmes, mais aboutit à supprimer tout avenir. Le choix d'un substantif commun, "heures", tend à rendre tous les moments équivalents, dans le va-et-vient du balancement ou dans une superposition que suggère la coexistence du présent et du passé, des heures et de la mort.
On peut se demander si le vers 10 n'est pas construit de façon similaire : à S'EN VONT répond T'EPEURES, comme son pendant, selon une logique des préfixes affrontés, EN- et É-, que nous avons signalée à propos de l'Ariette I et que nous retrouverons dans l'Ariette III et dans Simples fresques I : l'opposition sémantique est quasi nulle en langue, mais semble bien fonctionner dans les poèmes, en liaison avec le pronominal qui a lui-même pour caractéristique de confondre sujet et objet du procès. D'autre part, si nous maintenons l'interprétation d'amour comme "amativité", la formule Cher amour suggère que c'est ici l'amour qui est aimé : on aboutit alors à une sorte d'enfermement sémantique, de "balancement" où tout s'annule chaque mot trouvant son répondant symétrique.
En tout état de cause, alors que le vers 4 opposait "Amour pâle" et "une aurore future", ici temps et amour sont rapprochés par la superposition, par l'attaque sur la chuintante et par la rime plate. Deux formes d'une réalité qui s'abolit ou, du moins, qui ne fait que se superposer sans fin à elle-même. La perpétuation de l'identique qui n'existe que dans la mesure où il est fuite.
L'apostrophe réintroduit toutefois la personne mais c'est la deuxième, et sous la forme d'un TE plutôt que d'un TU (12). Daniel Bergez (page 419) interprète ce transfert de la première à la seconde personne comme une des modalités du dédoublement. Il vaudrait mieux insister sur l'"étrangement" : isolé par la ponctuation, le te/amour est comme mis en abyme, en retrait ce que confirme "t'épeures", par ailleurs provincialisme qui rejoint sans doute les archaïsmes. Pris entre la mort (à laquelle le lient les échos en [muR]) et le temps mais peut-être est-il ce qui fait transition de l'un à l'autre, l'amour se désigne comme absence, faille qui creuse la syntaxe. N'aurait-il pas d'ailleurs, lui aussi, à voir avec l'ariette ? En V, ce sera l'air qui rôdera, "discret, épeuré quasiment"... Les conjonctions restent décidément stables.
Tous ces retraits, tous ces mouvements qui s'annulent, ces opérations blanches appellent l'image de l'escarpolette en tant qu'elle implique l'effacement de l'allégorie. Pour autant, peut-on ériger le dernier mot en symbole, comme on le propose généralement ? [Cf. P. Martin et A. Adam, cités au début de l'explication, mais aussi A. C. Glauser]. Escarpolette constitue certes un véritable "noeud" prosodique (13), vers lequel convergent les chaînes des consonnes [b,p], [l], [t] et [s] : reprenant "SuBTiL", "PâLE, "ne Sont PLus", "ESPèce", "TremBLOTE", "TrouBLe", "ARiETTE", "mORT SeuLETTE", "BaLanCant", "T'éPeures", le terme évoque ce "mot générateur de l'idée" qui devient aussi "générateur sonore du vers et soumet tous les mots secondaires qui l'accompagnent à une sorte de vassalité tonique" [L. Becq de Fouquières, Traité général de versification française, Charpentier, 1879, page 220]. Il ne résume donc pas toute la prosodie du poème, de même qu'il ne condense pas toute l'allégorie : il s'y substitue pour la déplacer, l'amputer, ne serait-ce qu'en annihilant les personnifications. L'instrument du balancement escamote temps et mort au profit d'un nouveau diminutif. Comparable à l'ariette comme à la romance sans paroles en ceci qu'elle efface une présence "humaine" ou ce qui remplaçait cette présence , l'escarpolette est cependant plus que le dernier degré de la régression : elle est ce qui ne peut (plus) disparaître, ce qu'il y a "derrière" la mort (qu'elle portait à l'instant), le substitut ultime, la rémanence. Au bord de l'extinction, le "roulis" aérien, assuré de durer parce que c'est la mort qui passe.
S'inventant un mètre, voire un rythme, réinterprétant la grammaire (prépositions, démonstratifs, marques de la personne) et le lexique ("devine", "et", archaïsmes) en fonction des ambiguïtés ou des glissements qui lui sont nécessaires, cette ariette, en ayant fini de la labilité, proclame que le néant absolu, l'absence pure sont hors de portée. Si, comme le suggèrent l'emploi de CETTE et les titres originels, l'ESCARPOLETTE et l'ARIETTE sont encore même chose, la leçon est déjà un peu celle de Simples fresques I : "Que berce l'air monotone". La Romance sans paroles ne se distingue pas des mouvements de l'air, et cette escarpolette qui ne cesse de revenir sur ces traces, c'est l'existence réduite aux langueurs qui s'effacent, à l'ennui, au spleen, à la peine d'avoir de la peine. Ce qui reste quand tout a disparu. La présence dans l'absence, le battement du double dont on ne connaît plus les termes, et qui a absorbé la vie mais suffit à faire barrière au voeu de mort.
Car le poème, comme tous ceux de sa section (et jusqu'à cette "dernière ariette" qu'est Simples fresques I, qui se conclut sur "monotone"), ne cesse d'avoir à faire avec la dualité. Après que "seulette" a biffé "double", que les "heures" ont effacé la distinction entre passé et futur, que le rapport entre sensations visuelles et auditives s'est brouillé, ESCARPOLETTE maintient le duel dans le simple. En cela, l'Ariette II finit comme la précédente qui trouvait dans la mort la réversibilité, et ne fonctionne pas autrement que la VIII ou la IX, avec leurs paysages en miroir projetant le haut sur le bas. La mort est une machination duelle, perversion multiforme du deux qui s'y exténue.
NOTES
(1) Les démonstratifs peuvent avoir "la fonction anaphorique, celle de rappeler une idée énoncée antérieurement, ou la fonction cataphorique, celle d'annoncer une idée à venir" : G. MOIGNET, Systématique de la langue française, Klincksieck, 1981, page 172.
(2)
Le mètre peut-il être alternativement césuré 3 + 6 et 5 +4,
contre tous les principes de la métrique ? Sans exclure
l'isométrie ni même l'indétermination, nous ferons valoir ici
deux arguments. D'une part, l'ennéasyllabe est, dans ce recueil,
le premier mètre césurable à apparaître ; il l'est d'ailleurs
aussi dans l'absolu, entre l'octosyllabe qui ne l'est jamais et
le décasyllabe qui l'est toujours, mais qui admet tout de même
des variantes (4 + 6 et 6 + 4). Ne peut-on, bien que les deux
variantes proposées ici ne soient pas symétriques, admettre la
même latitude, en songeant que ce mètre apparaît de surcroît
pour la première fois dans l'oeuvre de Verlaine, et qu'il sera
ailleurs scandé autrement (Chevaux de bois) ?
D'autre part, la formule momentanément adoptée dans les vers
centraux pourrait avoir une valeur par rapport à ce que nous
appellerons l'état achevé du vers "nonipède" : ces
vers 2-3 sont ceux des synesthésies, et donc d'une continuité
qui s'abolit au vers suivant : "Amour pâle, une aurore
future", en un contraste qui ne fera que rejouer en termes
différents jusqu'à la fin de l'ariette.
(3) Cette tension entre progression et symétrie incite à repousser une autre des spéculations de P. Martin : l'escarpolette fournirait un modèle de perception garantissant la cohérence des images. En effet, quand on est installé sur une balançoire, on ne voit que ce qui est devant soi (c'est pourquoi les "lueurs" et "l'aurore" sont devant), on ne peut qu'entendre ce qui se passe dans son dos ! Une telle leçon de choses exclurait toute continuité du sonore au visuel.
(4) "IEN est de deux syllabes quand il termine un nom ou adjectif d'état, de profession ou de pays", écrit Quitard dans son Traité complet de versification (en tête de son Dictionnaire de rimes, Garnier, 1867), page 24, mais il précise, page 203, qu'ANCIEN peut être indifféremment de deux ou trois syllabes. Même position de Banville (Petit traité de poésie française, Fasquelle, 1903, page 32). Mais Quicherat (Traité de versification française, 2ème édition, Hachette, 1850) fait le mot dissyllabique, tout en conseillant de l'éviter, à la suite de Voltaire qui écrivait : "ANCIEN de trois syllabes rend le vers languissant ; ANCIEN de deux syllabes devient dur."
(5) Pour ce que cela implique quant aux rapports entre le mètre et la rime, voir le chapitre sur la rime, dans la partie "Versification". D'autre part, au sein des Ariettes oubliées, la plupart des diérèses font système : on retrouve "lu-eur" dans l'Ariette VIII, mais nous aurons tout à l'heure "ari-ette", en attendant le "pi-ano" de l'Ariette V.
(6) La comparaison s'impose aussi avec les derniers mots de Simples fresques I : "l'air monotone" prend le contrepied de "l'ariette de toutes lyres" en supprimant et le diminutif et le pluriel.
(7) A TRAVERS, en Q. I, prolongeait "DeVine" en une sorte de transitivité préparant le complément "Des Voix" du vers suivant : "Je devine, à travers un murmure, Le contour subtil des voix anciennes". Ici, il est prisonnier d'une tout autre allitération et le [v], unique dans cette strophe, subit maintenant l'attraction des [b], l'occlusive la plus proche, tandis que les [d] ("double") ne l'emportent plus sur les [t] ("trouble") : Où TRemBlote à TRaVers un jour TRouBle". La préposition change de sens en changeant de contexte prosodique.
(8) G. Gougenheim (Etude sur les périphrases verbales de la langue française, Nizet, 1971, page 36) montre que le tour a été condamné "par suite d'une réaction du sens propre de aller" - la valeur étymologique de l'"auxiliaire", l'idée de mouvement s'étant maintenues en langue. En conséquence, il se produit ici à peu près le même phénomène que dans la strophe II, avec "Ne sont plus".
(9) G. Gougenheim, op. cit., page 2. Cf aussi, page 22, la citation de Maupas : "ce faisant est signifiee une perseuerance et continuité d'action".
(10) La périphrase "s'en aller" + participe présent est un archaïsme comparable, puisqu'elle "semble avoir achevé de vivre au XVIIIème siècle" (Gougenheim, op. cit., page 31).
(11) L'Ariette VI, d'inspiration XVIIème-XVIIIème siècles, n'est donc pas si isolée qu'elle peut parfois le paraître.
(12) "Le JE actif se transforme souvent en ME passif", note également Russell S. King [page 102].
(13) D. I. Masson ("Sound-Repetition Terms", in Poetics-Poetyka, Varsovie, 196, page 195) parle de "knotting-pattern" à propos de la chaîne some-slay-Spain-explain où tous les éléments ne forment un tout qu'à partir du moment où nous avons connaissance de ce (du) dernier. Et il cite G. M. Hopkins : "Five ! the finding and sake And cipher of suffering Christ... And the word of it Sacrificed".