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Révisé le 27 février 2002.

Je présente ici trois versions côte à côte : celle du manuscrit (ou de la Renaissance littéraire et artistique [Ren] des 18 mai et 29 juin 1872) ; celle de l'édition de 1874 et celle de l'édition de 1887. Je me suis appuyé sur Y. G. Le Dantec (Pléiade), sur J. Robichez (Garnier) et surtout sur O. Bivort (Livre de Poche, 2002), qui fournit de loin la liste la plus précise des variantes - celle de Le Dantec étant la plus succincte. Je me suis également reporté aux fac-similés donnés par :
-
RICHER Jean : Paul Verlaine, "Poètes d'aujourd'hui", Seghers, 1957 : Ariettes I à IV.
-
LEFRERE Jean-Jacques, MURPHY Steve & BONNA Jean : "Le manuscrit des Romances sans paroles", Histoires littéraires n° 4, octobre-décembre 2000, pages 21-39 : Malines, Birds in the night, Green, Streets et Beams.

ROMANCES SANS PAROLES

Ariettes oubliées
I       II      III       IV      V       VI       VII       VIII      IX

Paysages belges
Walcourt    Charleroi   Bruxelles, Simples fresques I   et II   Chevaux de bois   Malines

Birds in the night

Aquarelles
Green    Spleen   Streets I   et II   Child Wife    A poor young shepherd   Beams

 

 

ROMANCES SANS PAROLES

 

Manuscrit    

A ARTHUR RIMBAUD
P. V. Londres, mai 1873

   

ARIETTES OUBLIEES

 

Ren., mai 1874 [corrections] 1887

Romance sans paroles

I

I

Le vent dans la plaine
Suspend son haleine.
(Favart.)

Le vent dans la plaine
Suspend son haleine
(FAVART)

Le vent dans la plaine
Suspend son haleine

(FAVART)

C’est l’extase langoureuse,
C’est la fatigue amoureuse,
C’est tous les frissons des bois 
;
Parmi l’étreinte des brises,
C’est, vers les ramures grises,
Le chœur des petites voix.

O le frêle et frais murmure !
Cela gazouille et
susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l’herbe agitée expire,
Cela fait sous l’eau qui vire
Le roulis sourd des cailloux.


Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C’est la nôtre, n’est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne
Dont s’exhale l’humble antienne
Dans ce tiède soir, tout bas ?

C’est l’extase langoureuse,
C’est la fatigue amoureuse
[,]
C’est tous les frissons des bois
Parmi l’étreinte des brises,
C’est, vers les ramures grises,
Le chœur des petites voix.


O le frêle et frais murmure, [ !]
Cela gazouille et susure,
Cela ressemble au cri doux
Que l’herbe agitée expire…
Tu dirais, sous l’eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.


Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C’est la nôtre,
n’est-[ce] pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s’exhale l’humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?
C’est l’extase langoureuse,
C’est la fatigue amoureuse,
C’est tous les frissons des bois
Parmi l’étreinte des brises,
C’est, vers les ramures grises,
Le chœur des petites voix.


O le frêle et frais murmure !
Cela gazouille et susure,
Cela ressemble au cri doux
Que l’herbe agitée expire…
Tu dirais, sous l’eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.


Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante,

C’est la nôtre, n’est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s’exhale l’humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?
Le manuscrit Doucet ne diffère pour S I que par la suppression des deux-points (v..3) . Dans S II, "sussure" est corrigé en "susurre" ; aucune ponctuation à la fin des v. 7 et 8, mais points de suspension après "expire" et le v. 11 se lit comme dans l'édition de 1874 "Tu dirais, sous l'eau qui vire,". Pas de point en fin de strophe et les "Cela" (v. 8 et 9) écrits "Celà". Dans S III, "Dans" est remplacé par "Par" (dernier vers) ; virgule après "tienne".    

Manuscrit Blémont 1874 [exempl. du Br. Museum] 1887

Escarpolette

II

II

peiqwmeta nukti melainh
(HOMERE)

   
Je devine, à travers un murmure,
Le contour subtil des voix anciennes,

Et dans (la buée musicienne)les lueurs musiciennes,
(J'entrevois) (Cher Amour,) Amour pâle, une aurore future ;

Et mon cœur et mon âme en délires
Ne sont plus qu’une espèce d’œil double
tremblotte, au milieu d’un du jour trouble
L’ariette, - hélas ! de toutes lyres !...


Oh ! mourir de cette mort seulette
Que s’en vont, - cher amour qui t’épeures -
Balançant
vieilles et jeunes heures !...!…
Oh ! mourir de cette escarpolette !
Je devine, à travers un murmure,
Le contour subtil des voix anciennes
[,]
Et dans les lueurs musiciennes,
Amour pâle, une aurore future !


Et mon âme et mon cœur en délires
Ne sont plus qu’une espèce d’œil double
Où tremblote
, à travers un jour trouble,
L’ariette, hélas ! de toutes lyres !


O mourir de cette mort seulette
Que s’en vont, cher amour qui t’épeures
Balançant jeunes et vieilles heures !
O mourir de cette escarpolette !
Je devine, à travers un murmure,
Le contour subtil des voix anciennes
Et dans les lueurs musiciennes,
Amour pâle, une aurore future !


Et mon âme et mon cœur en délires
Ne sont plus qu’une espèce d’œil double
Où tremblote à travers un jour trouble
L’ariette, hélas ! de toutes lyres !


O mourir de cette mort seulette
Que s’en vont, cher amour qui t’épeures
[]
Balançant jeunes et vieilles heures !
O mourir de cette escarpolette !

 


 

Manuscrit 1874 1887
 

III

III

It rains, and the wind is never weary. (Longfellow)
" Il pleut doucement sur la ville "
(ARTHUR RIMBAUD)

 Il pleut doucement sur la ville
(ARTHUR RIMBAUD)

 Il pleut doucement sur la ville
(ARTHUR RIMBAUD)

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie
O le
br Chant de la pluie !

Il pleure dsans raison
Dans ce cœur
(qui s’effrite)(qui s’y noie)(qui s’ennuie) qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce xxxdeuil est sans raison.


O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits
Pour un cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville,
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine !
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville,
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine []
Le Dantec lit qui s'ignore à la place de qui s'y noie.    




Manuscrit 1874 [exempl. du Br. Museum] 1887
     
  IV IV

De la douceur, de la douceur, de la douceur. (Inconnu)

De la douceur, de la douceur, de la douceur. (Inconnu)

 
Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses
De cette façon nous serons bien heureuses
Et si notre vie a des instants moroses,
Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses.

O que nous mêlions, âmes sœurs que nous sommes
A nos vœux confus la douceur puérile
De cheminer loin des femmes et des hommes
Dans le frais oubli de ce qui nous exile.

Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Eprises de rien et de tout étonnées
Qui s'en vont pâlir sous les chastes charmilles
Sans même savoir qu'elles sont pardonnées.
Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses [:]
De cette façon nous serons bien heureuses
Et si notre vie a des instants moroses,
Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses.

O que nous mêlions, âmes sœurs que nous sommes,
A nos vœux confus la douceur puérile
De cheminer loin des femmes et des hommes,
Dans le frais oubli de ce qui nous exile. [!]

Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Eprises de rien et de tout étonnées
Qui s'en vont pâlir sous les chastes charmilles
Sans même savoir qu'elles sont pardonnées.
Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses.
De cette façon nous serons bien heureuses,
Et si notre vie a des instants moroses,
Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses.

O que nous mêlions, âmes sœurs que nous sommes,
A nos vœux confus la douceur puérile
De cheminer loin des femmes et des hommes,
Dans le frais oubli de ce qui nous exile.

Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Eprises de rien et de tout étonnées,
Qui s'en vont pâlir sous les chastes charmilles
Sans même savoir qu'elles sont pardonnées.



Manuscrit Ren., juin 1874 (1887 identique, sauf la virgule après "boudoir", v. 6)
 

Ariette

V

Son joyeux, importun d’un clavecin sonore. (Pétrus Borel)

 

Son joyeux, importun d’un clavecin sonore. (Pétrus Borel)

Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris
vaguement
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile
Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, épeuré quasiment,
Par le boudoir
, longtemps parfumé d'Elle.

Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
Qui lentement dorlote mon pauvre être ?
Que voudrais-tu de moi, doux
Chant badin ?
Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain
Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte un peu sur le petit jardin ?
Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris
, vaguement,
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile,
Un
Air bien vieux, bien faible et bien charmant,
Rôde, discret, épeuré quasiment,
Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.


Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
Qui lentement dorlote mon pauvre être ?
Que voudrais-tu de moi,
vieux Chant badin ?
Qu'as-tu voulu,
vieux Refrain incertain
Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte un peu sur le petit jardin ?
Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris vaguement
,
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile

Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, épeuré quasiment,
Par le boudoir, longtemps parfumé d'Elle.


Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
Qui lentement dorlote mon pauvre être ?
Que voudrais-tu de moi, doux chant badin ?

Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain
Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte un peu sur le petit jardin ?


 

Manuscrit 1874 1887
  VI VI

[Au clair de la lune mon ami Pierrot]

   
C'est le chien de Jean de Nivelle
Qui mord sous l'œil même du Guet
Le chat de la mère Michel ;
François les bas bleus s'en égaie.

La Lune à l'écrivain public
Dispense sa lumière obscure
Où Médor avec Angélique
Verdissent sur le pauvre mur.

Et voici venir La Ramée
Sacrant en bon soldat du Roy.
Sous son habit blanc mal famé,
Son cœur ne se tient pas de joie,

Car la Boulangère... - Elle ? - Oui ! Dam !
Bernant Lustucru, son vieil homme,
A tantôt couronné sa flamme...
Enfants, Dominus vobis-cum !

Place ! En sa longue robe bleue
Toute en satin qui fait frou-frou,
C'est une impure, palsambleu !
Dans sa chaise qu'il faut qu'on loue,

Fût-on philosophe ou grigou,
Car, tant d'or s'y relève en bosse,
Que ce luxe insolent bafoue
Tout le papier de monsieur
Los !

Arrière ! robin crotté ! place,
Petit courtaud, petit abbé,
Petit poète jamais las
De la rime non attrapée !


[Cependant jamais fatigué]
Voici que la nuit vraie arrive...
Cependant jamais fatigué
D'être inattentif et naïf
François les bas bleus s'en égaie.
C'est le chien de Jean de Nivelle
Qui mord sous l'œil même du Guet
Le chat de la mère Michel ;
François les bas bleus s'en égaie.

La Lune à l'écrivain public
Dispense sa lumière obscure
Où Médor avec Angélique
Verdissent sur le pauvre mur.

Et voici venir La Ramée
Sacrant en bon soldat du Roy.
Sous son habit blanc mal famé,
Son cœur ne se tient pas de joie,

Car la Boulangère... - Elle ? - Oui ! Dam !
Bernant Lustucru, son vieil homme,
A tantôt couronné sa flamme...
Enfants, Dominus vobis-cum !

Place ! En sa longue robe bleue
Toute en satin qui fait frou-frou,
C'est une impure, palsambleu !
Dans sa chaise qu'il faut qu'on loue,

Fût-on philosophe ou grigou,
Car, tant d'or s'y relève en bosse,
Que ce luxe insolent bafoue
Tout le papier de Monsieur
Los !

Arrière ! robin crotté ! place,
Petit courtaud, petit abbé,
Petit poète jamais las
De la rime non attrapée !

Voici que la nuit vraie arrive...
Cependant jamais fatigué
D'être inattentif et naïf
François les bas bleus s'en égaie.
C'est le chien de Jean de Nivelle
Qui mord sous l'œil même du Guet
Le chat de la mère Michel ;
François-les-bas-bleus s'en égaie.

La lune à l'écrivain public
Dispense sa lumière obscure
Où Médor avec Angélique
Verdissent sur le pauvre mur.

Et voici venir La Ramée
Sacrant en bon soldat du Roi.
Sous son habit blanc mal famé,
Son cœur ne se tient pas de joie,

Car la Boulangère... - Elle ? - Oui dam !
Bernant Lustucru, son vieil homme,
A tantôt couronné sa flamme...
Enfants, Dominus vobis-cum !

Place ! en sa longue robe bleue
Toute en satin qui fait frou-frou,
C'est une impure, palsembleu !
Dans sa chaise qu'il faut qu'on loue,

Fût-on philosophe ou grigou,
Car tant d'or s'y relève en bosse,
Que ce luxe insolent bafoue
Tout le papier de monsieur Loss !

Arrière, robin crotté ! place,
Petit courtaud, petit abbé,
Petit poète jamais las
De la rime non attrapée !

Voici que la nuit vraie arrive...
Cependant jamais fatigué
D'être inattentif et naïf
François-les-bas-bleus s'en égaie.
     

Manuscrit 1874 1887
 

VII

VII

     
O triste triste était mon âme
A cause à cause d'une femme

Je ne me suis pas consolé
Bien que mon cœur s'en soit allé

Bien que mon cœur bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme

Je ne me suis pas consolé
Bien que mon cœur s'en soit allé.

                     .
                   
.  .

Et mon cœur mon cœur trop sensible
Dit à mon âme : Est-il possible,

Est-il possible, -
l’est- le fût-il, -
Ce fier exil, ce triste exil ?


(O mon cœur, ô mon âme)(Et mon cœur à mon âme) Mon âme dit à mon cœur, sais-je
Moi-même que nous veut ce piège

D'être présents bien qu'exilés,
Encore que
(bien) loin en allés ( ! ) ?

O triste, triste était mon âme
A cause
, à cause d'une femme.

Je ne me suis pas consolé
Bien que mon cœur s'en soit allé
.

Bien que mon cœur, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme
.

Je ne me suis pas consolé
,
Bien que mon cœur s'en soit allé.

                     ______

Et mon cœur, mon cœur trop sensible
Dit à mon âme : Est-il possible,

Est-il possible, - le fût-il, -
Ce fier exil, ce triste exil ?

Mon âme dit à mon cœur : Sais-je
Moi-même, que nous veut ce piège

D'être présents bien qu'exilés,
Encore que loin en allés ?

O triste, triste était mon âme
A cause
, à cause d'une femme.

Je ne me suis pas consolé
Bien que mon cœur s'en soit allé
,

Bien que mon cœur
, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme
.

Je ne me suis pas consolé
,
Bien que mon cœur s'en soit allé.

Et mon cœur, mon cœur trop sensible
Dit à mon âme : Est-il possible,

Est-il possible, - le fût-il, -
Ce fier exil, ce triste exil ?

Mon âme dit à mon cœur : Sais-je
Moi-même
, que nous veut ce piège

D'être présents bien qu'exilés,
Encore que loin en allés ?

 



Manuscrit 1874 1887
 

VIII

VIII

     
Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Corneille poussine
[poussive]
Et vous, les loups maigres,
Par ces
brises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

 



Manuscrit 1874 1887
 

IX

IX

Le rossignol, qui du haut d’une branche se regarde dedans, croit être tombé dans la rivière. Il est au sommet d’un chêne et toutefois il a peur de se noyer. (CYRANO de BERGERAC.)

Le rossignol, qui du haut d’une branche se regarde dedans, croit être tombé dans la rivière. Il est au sommet d’un chêne et toutefois il a peur de se noyer. (CYRANO de BERGERAC.)

Le rossignol qui du haut d’une branche se regarde dedans, croit être tombé dans la rivière. Il est au sommet d’un chêne et toutefois il a peur de se noyer. (CYRANO de BERGERAC.)

L'ombre des arbres dans la rivière embrumée
        Meurt comme de la fumée,
Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles
        Se plaignent les tourterelles.

Combien, ô voyageur, ce paysage blême
        Te mira blême toi-même,
Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées
        Tes espérances noyées !
L'ombre des arbres dans la rivière embrumée
        Meurt comme de la fumée,
Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles
        Se plaignent les tourterelles.

Combien, ô voyageur, ce paysage blême
        Te mira blême toi-même,
Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées
        Tes espérances noyées
. [!]
L'ombre des arbres dans la rivière embrumée
        Meurt comme de la fumée,
Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles,
        Se plaignent les tourterelles.

Combien, ô voyageur, ce paysage blême
        Te mira blême toi-même,
Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées
        Tes espérances noyées !
 

Mai, Juin 1872

Mai, Juin 1872

 


 

PAYSAGES BELGES

 

 

"Conquestes du Roy."
(VIEILLES ESTAMPES)

"Conquestes du Roy."
(VIEILLES ESTAMPES)

 

Manuscrit 1874 1887

Walcourt

Walcourt

Walcourt

     
Briques et tuiles,
O les charmants
Petits asiles
Pour les amants !

Houblons et vignes
Feuilles et fleurs
Tentes insignes
Des francs buveurs !

Guinguettes claires
Bières, clameurs,
Servantes chères
A tous fumeurs !

Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines
Bons juifs-errants !
Briques et tuiles,
O les charmants
Petits asiles
Pour les amants !

Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !

Guinguettes claires
Bières, clameurs,
Servantes chères
A tous fumeurs !

Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines
Bons juifs-errants !
Briques et tuiles,
O les charmants
Petits asiles
Pour les amants !

Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !

Guinguettes claires
Bières, clameurs,
Servantes chères
A tous fumeurs !

Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines,
Bons juifs-errants !

Juillet 72.

juillet 1872.

Juillet 1873.


(manuscrit perdu) 1874 1887
 

Charleroi

Charleroi

     
  Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont
[.]
Le vent profond
Pleure, on veut croire.

Quoi donc se sent ?
L'avoine siffle.
Un buisson gifle
L'œil au passant.

Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !

On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s'étonnent,
Où Charleroi ?

Parfums sinistres !
Qu'est-ce que c'est ?
Quoi bruissait
Comme des sistres ?

Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine,
Cris des métaux !

Dans l’herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont
Le vent profond
Pleure, on veut croire.

Quoi donc se sent ?
L'avoine siffle.
Un buisson
giffle
L'œil au passant.

Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !

On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s'étonnent,
Où Charleroi ?

Parfums sinistres !
Qu'est-ce que c'est ?
Quoi bruissait
Comme des sistres ?

Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine,
Cris des métaux !

Dans l’herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.

 


 

Manuscrit Blémont 1874 1887

Simples fresques

BRUXELLES

Simples fresques

BRUXELLES

Simples fresques

" Près de la ville de Bruxelle en brabant "
(Complte d’Isaac Laquedem)

I

I

La fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toutes choses.

L'or, sur les humbles abimes,
Tout doucement s'ensanglante
Des petits arbres sans cimes,
Où quelque oiseau faible chante.

Triste à peine, tant s'effacent
Ces apparences d'automne,
Toutes mes langueurs rêvassent,
Que berce l'air monotone.
La fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes,
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.

L'or, sur les humbles abîmes,
Tout doucement s'ensanglante,
Des petits arbres sans cîmes,
Où quelque oiseau faible chante.

Triste à peine tant s'effacent
Ces apparences d'automne,
Toutes mes langueurs rêvassent
Que berce l'air monotone.
La fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes,
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.


L'or sur les humbles abîmes,
Tout doucement s'ensanglante,
Des petits arbres sans c
îmes,
Où quelque oiseau faible chante.

Triste à peine tant s'effacent
Ces apparences d'automne
.
Toutes mes langueurs révassent,
Que berce l'air monotone.
Le manuscrit Saffrey met un point après s’ensanglante. Bivort n'a pas vu de virgule après L'or (ni dans l'édition de 1874, ni dans le manuscrit).  

Manuscrit 1874 1887

Paysage belge

   
 

II

II

L'allée est sans fin,
Sous le ciel, divin
D'être pâle ainsi :
Sais-tu qu'on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci ?

Des messieurs bien mis
Sans nul doute amis
Des
Royers-Collards,
Vont vers le château :
J'estimerais beau
D'être ces vieillards ?

Le château, tout blanc,
Avec, à son flanc,
Le soleil couché ;
Les champs à l'entour ;
Oh ! que notre amour
N'est-il là niché !
L'allée est sans fin
Sous le ciel, divin
D'être pâle ainsi !
Sais-tu qu'on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci ?

Des messieurs bien mis,
Sans nul doute amis
Des Royers Collards
, [Royer-Collards]
Vont vers le château.
J'estimerais beau
D'être ces vieillards.

Le château, tout blanc
Avec, à son flanc,
Le soleil couché.
Les champs à l'entour...
Oh ! que notre amour
N'est-il là niché !
L'allée est sans fin
Sous le ciel, divin
D'être pâle ainsi !
Sais-tu qu'on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci ?

Des messieurs bien mis,
Sans nul doute amis
Des
Royers Collards,
Vont vers le château.
J'estimerais beau
D'être ces vieillards.

Le château, tout blanc
Avec, à son flanc,
Le soleil couché.
Les champs à l'entour...
Oh ! que notre amour
N'est-il là niché !

Bruxelles, auberge du jeune Renard, Août 72.

Auberge [Estaminet] du Jeune Renard, août 1872.

Estaminet du Jeune Renard, août 1872.

     

 


Manuscrit Blémont 1874 1887

Chevaux de bois

BRUXELLES

Chevaux de bois

BRUXELLES

Chevaux de bois

Par Saint-Gille,
Viens-nous-en
Mon Agile
Alezan
(V. HUGO)

Par Saint-Gille,
Viens-nous-en
Mon Agile
Alezan
(V. HUGO)

Par Saint-Gille,
Viens-nous-en
Mon Agile
Alezan
(V. HUGO)

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours
Tournez souvent et tournez toujours
Tournez, tournez au son des hautbois.

Le gros soldat, la plus grosse bonne
Sont sur vos dos comme dans leur chambre ;
Car en ce jour au bois de la Cambre
Les maîtres sont tous deux en personne.

Tournez, tournez, chevaux de leur cœur
Tandis qu'autour de
votre tournois
Clignote l'œil des filous sournois
Tournez au son du piston vainqueur

C'est ravissant comme ça vous soûle,
D'aller ainsi dans ce cirque bête :
Bien dans le ventre et mal dans la tête
Du mal en masse et du bien en foule !

Tournez, tournez, sans qu'il soit besoin
D'user jamais de nuls éperons
Pour commander à vos galops ronds,
Tournez, tournez, sans espoirs de foin.

Et dépêchez, chevaux de leur âme
Déjà voici que la nuit qui tombe
Va réunir pigeon et colombe
Loin de la foire et loin de madame.

Tournez, tournez ! le ciel en velours
D'astres en or se vêt lentement :
Voici partir l'amante et l'amant.
Tournez au son joyeux des tambours.

____________________________________

Champ de foire de St-Gilles-lez-Bruxelles, août 72

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours,
Tournez, tournez au son des hautbois.

Le gros soldat, la plus grosse bonne
Sont sur vos dos comme dans leur chambre ;
Car, en ce jour, au bois de la Cambre
Les maîtres sont tous deux en personne.

Tournez, tournez, chevaux de leur cœur
Tandis qu'autour
de votre tournoi [tous vos tournois]
Clignote l'œil du filou sournois,
Tournez au son du piston vainqueur.

C'est ravissant comme ça vous soûle,
D'aller ainsi dans ce cirque bête !
Bien dans le ventre et mal dans la tête,
Du mal en masse et du bien en foule.

Tournez, tournez, sans qu'il soit besoin
D'user jamais de nuls éperons
, []
Pour commander à vos galops ronds,
Tournez, tournez, sans espoir de foin.

Et dépêchez, chevaux de leur âme,
Déjà, voici que la nuit qui tombe
Va réunir pigeon et colombe,
Loin de la foire et loin de madame.

Tournez, tournez ! le ciel en velours
D'astres en or se vêt lentement.
Voici partir l'amante et l'amant.
Tournez au son joyeux des tambours.

Champ de foire de Saint-Gilles, août 1872.

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours,
Tournez, tournez au son des hautbois.

Le gros soldat, la plus grosse bonne
Sont sur vos dos comme dans leur chambre ;
Car, en ce jour, au bois de la Cambre,
Les maîtres sont tous deux en personne.

Tournez, tournez, chevaux de leur cœur,
Tandis qu'autour de tous vos tournois

Clignotte l'œil du filou sournois,
Tournez au son du piston vainqueur.

C'est ravissant comme ça vous soûle,
D'aller ainsi dans ce cirque bête !
Bien dans le ventre et mal dans la tête,
Du mal en masse et du bien en foule.

Tournez, tournez, sans qu'il soit besoin
D'user jamais de nuls éperons
,
Pour commander à vos galops ronds,
Tournez, tournez, sans espoir de foin.

Et dépêchez, chevaux de leur âme,
Déjà, voici que la nuit qui tombe
Va réunir pigeon et colombe,
Loin de la foire et loin de madame.

Tournez, tournez ! le ciel en velours
D'astres en or se vêt lentement.
Voici partir l'amante et l'amant.
Tournez au son joyeux des tambours.

Champ de foire de Saint-Gilles, août 1872.

La virgule après "éperons" supprimée dans l'exemplaire du British Museum.

 


 

 

Manuscrit Saffrey 1874 1887

Malines

Malines

Malines

     
Vers les prés le vent cherche noise
Aux girouettes, détail fin
Du château de quelque échevin,
Rouge de brique et bleu d'ardoise
Vers les prés clairs, les prés sans fin
!

Comme
des arbres de les arbres des féeries
Des frênes, vagues frondaisons,
Font un oscillant horizon Echelonnent mille horizons
A ce Sahara de praieries,
Trèfle, luzerne et
blancs gazons.

(Les wagons filent) (Le railway défile) Les wagons filent en silence
Parmi ces sites apaisés.
Dormez, les vaches, reposez,
Doux taureaux de la plaine immense
Sous vos cieux à peine irisés !

Le train glisse sans un murmure
Chaque wagon est un salon
Où l'on cause bas et d'où l'on
Aime à loisir cette nature
Faite à souhait pour Fénelon.
Vers les prés, le vent cherche noise
Aux girouettes, détail fin
Du château de quelque échevin,
Rouge de brique et bleu d'ardoise,
Vers les prés clairs, les prés sans fin !

Comme les arbres des féeries,
Des frênes, vagues frondaisons,
Echelonnent mille horizons
A ce Sahara de prairies,
Trèfle, luzerne et blancs gazons.

Les wagons filent en silence
Parmi ces sites apaisés.
Dormez, les vaches ! Reposez,
Doux taureaux de la plaine immense,
Sous vos cieux à peine irisés !

Le train glisse sans un murmure,
Chaque wagon est un salon
Où l'on cause bas, et d'où l'on

Aime, à loisir, cette [Aime à loisir cette] nature
Faite à souhait pour Fénelon.
Vers les prés le vent cherche noise
Aux girouettes, détail fin
Du château de quelque échevin,
Rouge de brique et bleu d'ardoise,
Vers les prés clairs, les prés sans fin...

Comme les arbres des féeries
Des frênes, vagues frondaisons,
Echelonnent mille horizons
A ce Sahara de prairies,
Trèfle, luzerne et blancs gazons.

Les wagons filent en silence
Parmi ces sites apaisés.
Dormez, les vaches ! Reposez,
Doux taureaux de la plaine immense,
Sous vos cieux à peine irisés !

Le train glisse sans un murmure,
Chaque wagon est un salon
Où l'on cause bas et d'où l'on
Aime à loisir cette nature
Faite à souhait pour Fénelon.

Août 72

Août 1872

Août 1872.

 


 

BIRDS IN THE NIGHT

 

Manuscrits Blémont (3 premiers douzains), puis Saffrey (en bleu, des variantes du manuscrit Lepelletier) 1874 1887

En robe grise et verte avec des ruches
Un jour de juin que j’étais soucieux
Elle apparut souriante à mes yeux
Qui l’admiraient sans redouter d’embûches
(inconnu)

Elle est si jeune !
Liaisons dangereuses

En robe grise et verte avec des rûches,
Un jour de juin que j’étais soucieux,
Elle apparût souriante à mes yeux
Qui l’admiraient sans redouter d’embûches.
(inconnu)

Elle est si jeune !
Liaisons dangereuses

 
     
                             I
Vous n'avez pas eu toute patience
(xxx) Cela se comprend par malheur, du reste,
Vous êtes si jeune ! et l'insouciance
C'est le lot amer de l'âge céleste

Vous n'avez pas eu toute la douceur,
Cela par malheur d'ailleurs se comprend
Vous êtes si jeune, ô ma froide sœur
Que votre cœur doit être indifférent.

Aussi me
voilà plein de pardons chastes,
Non certes joyeux, mais très
bien-calme en somme
Bien que je déplore, en ces mois néfastes
D'être grâce
à vous, un lamentable homme.

*

Vous n'avez pas eu toute patience,
Cela se comprend par malheur, de reste ;
Vous êtes si jeune ! et l'insouciance,
C'est le lot amer de l'âge céleste !

Vous n'avez pas eu toute la douceur,
Cela par malheur d'ailleurs se comprend ;
Vous êtes si jeune, ô ma froide sœur,
Que votre cœur doit être indifférent !

Aussi, me voici plein de pardons chastes,
Non, certes ! joyeux, mais très calme, en somme,
Bien que je déplore, en ces mois néfastes,
D'être, grâce à vous, le moins heureux homme.
Vous n'avez pas eu toute patience :
Cela se comprend par malheur, de reste.
Vous êtes si jeune ! Et l'insouciance,
C'est le lot amer de l'âge céleste !

Vous n'avez pas eu toute la douceur.
Cela par malheur d'ailleurs se comprend ;
Vous êtes si jeune, ô ma froide sœur,
Que votre cœur doit être indifférent !

Aussi me voici plein de pardons chastes,
Non, certes ! joyeux, mais très calme en somme,
Bien que je déplore en ces mois néfastes
D'être, grâce à vous, le moins heureux homme.
                                  II La mauvaise chanson
(Là ! n'est-il pas vrai que)
(Là ! vous)
Et vous voyez bien que j'avais raison
Quand je vous disais dans mes moments noirs
Que vos yeux,
foyers de mes vieux espoirs,
Ne couvaient plus rien que la trahison.

Vous juriez alors que c'était mensonge
Et votre regard qui mentait lui-même,
Flambait comme un feu mourant qu'on prolonge
Et de votre voix vous disiez : "je t'aime !"

Hélas ! on se prend toujours au désir
Qu'on a d'être heureux malgré la saison...
(Rien de tel, hélas ! que le seul désir
D’être heureux heureux ! Qu'on a d'être heureux !... – malgré la saison !…)

Mais ce fut un jour plein d'amer plaisir
Quand je m'aperçus que j'avais raison !

*

Et vous voyez bien que j'avais raison,
Quand je vous disais, dans mes moments noirs,
Que vos yeux,
foyers de mes vieux espoirs
Ne
couveraient plus [couvaient plus rien] que la trahison.

Vous juriez alors que c'était mensonge
Et votre regard qui mentait lui-même
Flambait comme un feu mourant qu'on prolonge,
Et de votre voix vous disiez : "je t'aime !"

Hélas ! on se prend toujours au désir
Qu'on a d'être heureux malgré la saison...
Mais ce fut un jour plein d'amer plaisir,
Quand je m'aperçus que j'avais raison !
Et vous voyez bien que j'avais raison.
Quand je vous disais, dans mes moments noirs,
Que vos yeux, foyer de mes vieux espoirs
Ne couvaient plus rien que la trahison.

Vous juriez alors que c'était mensonge
Et votre regard qui mentait lui-même
Flambait comme un feu mourant qu'on prolonge,
Et de votre voix vous disiez : "je t'aime !"

Hélas ! on se prend toujours au désir
Qu'on a d'être heureux malgré la saison...
Mais ce fut un jour plein d'amer plaisir,
Quand je m'aperçus que j'avais raison !
                                     III
Aussi bien pourquoi me mettrai-je
(mettrais-je) à geindre ?
Vous ne m'aimez pas, l'affaire est conclue.
Et ne voulant pas qu'on ose me plaindre,
Je souffrirai d'une âme résolue !

Oui, je souffrirai comme un bon soldat
Blessé qui s’en va mourir dans la nuit
Du champ de bataille où s’endort tout bruit
- Plein
d'amour pour quelque pays ingrat.

Vous qui fûtes ma Belle, ma Chérie,
Encor que de vous vienne ma souffrance,
N'êtes-vous donc pas toujours ma patrie
Aussi jeune, aussi folle que la France ?

*

Aussi bien, pourquoi me mettrai-je à geindre ?
Vous ne m’aimiez
pas, l'affaire est conclue,
Et, ne voulant pas qu'on ose me plaindre,
Je souffrirai d'une âme résolue.

Oui, je souffrirai car je vous aimais !
Mais je souffrirai comme un bon soldat
Blessé, qui s'en va dormir à jamais,
Plein d'amour pour quelque pays ingrat.

Vous qui fûtes ma Belle, ma Chérie,
Encor que de vous vienne ma souffrance,
N'êtes-vous donc pas toujours ma patrie,
Aussi jeune, aussi folle que la France ?
Aussi bien pourquoi me mettrai-je à geindre ?
Vous ne
m'aimez pas, l'affaire est conclue,
Et ne voulant pas qu'on ose me plaindre,
Je souffrirai d'une âme résolue.

Oui, je souffrirai car je vous aimais !
Mais je souffrirai comme un bon soldat
Blessé, qui s'en va dormir à jamais,
Plein d'amour pour quelque pays ingrat.

Vous qui fûtes ma Belle, ma Chérie,
Encor que de vous vienne ma souffrance,
N'êtes-vous donc pas toujours ma Patrie,
Aussi jeune, aussi folle que la France ?
(Et puis, je ne veux) (Puis, je ne veux pas) Or, je ne veux pas, - le puis-je d'abord ?
Plonger dans ceci mes regards mouillés.
Pourtant mon amour que vous croyez mort
A peut-être enfin les yeux dessillés.

Mon amour qui n'est
plus que souvenance,
Quoique sous vos coups il saigne et qu'il pleure
Encore et qu'il doive, à ce que je pense,
Souffrir longtemps jusqu'à ce qu'il en meure,

Peut-être a raison de croire entrevoir
En vous un remords (qui n'est pas banal)
Et d'entendre dire, en son désespoir,
A
(vos beaux serments) votre mémoire : ah ! fi ! que c'est mal !

*

Or, je ne veux pas, - le puis-je d'abord ?
Plonger dans ceci mes regards mouillés.
Pourtant mon amour que vous croyez mort
A peut-être enfin les yeux dessillés.

Mon amour qui n'est que ressouvenance,
Quoique sous vos coups il saigne et qu'il pleure
Encore et qu'il doive, à ce que je pense,
Souffrir longtemps jusqu'à ce qu'il en meure.
[,]

Peut-être a raison de croire entrevoir
En vous un remords,
(qui n'est pas banal),
Et d'entendre dire, en son désespoir,
A votre mémoire : ah ! fi ! que c'est mal.
Or, je ne veux pas, - le puis-je d'abord ?
Plonger dans ceci mes regards mouillés.
Pourtant mon amour que vous croyez mort
A peut-être enfin les yeux dessillés.

Mon amour qui n'est que ressouvenance,
Quoique sous vos coups il saigne et qu'il pleure
Encore et qu'il doive, à ce que je pense,
Souffrir longtemps jusqu'à ce qu'il en meure,

Peut-être a raison de croire entrevoir
En vous un remords qui n'est pas banal,
Et d'entendre dire, en son désespoir,
A votre mémoire : ah ! fi ! que c'est mal !
Je vous vois encor. J'entrouvris la porte
Vous étiez au lit, comme fatiguée.
Mais, ô corps léger que l'amour emporte
Vous bondîtes nue, éplorée et gaie

O quels baisers, quels enlacements fous
J'en riais moi-même à travers mes
[larmes] pleurs.
Certes, ces instants seront entre tous
Mes plus tristes, mais aussi mes meilleurs

Je ne veux revoir de votre sourire
Et de vos bons yeux en cette occurrence
Et de vous enfin, qu'il faudrait maudire,
Et du piège exquis, rien que l'apparence.

*

Je vous vois encor. J'entr'ouvris la porte,
Vous étiez au lit comme fatiguée.
Mais, ô corps léger que l'amour emporte,
Vous bondîtes nue, éplorée et gaie.

O quels baisers, quels enlacements fous,
[ !]
J'en riais moi-même à travers mes pleurs.
Certes, ces instants seront, entre tous,
Mes plus tristes, mais aussi mes meilleurs.

Je ne veux revoir de votre sourire
Et de vos bons yeux en cette occurrence
Et de vous enfin qu'il faudrait maudire,
Et du piège exquis,  rien que l'apparence.
Je vous vois encor. J'entr'ouvris la porte.
Vous étiez au lit comme fatiguée.
Mais, ô corps léger que l'amour emporte,
Vous bondîtes nue, éplorée et gaie.

O quels baisers, quels enlacements fous !
J'en riais moi-même à travers mes pleurs.
Certes, ces instants seront entre tous,
Mes plus tristes, mais aussi mes meilleurs.

Je ne veux revoir de votre sourire
Et de vos bons yeux en cette occurrence
Et de vous, enfin, qu'il faudrait maudire,
Et du piège exquis, rien que l'apparence.
Je vous vois encore ! En robe d'été
Blanche et jaune avec des fleurs de rideaux.
Mais vous n'aviez plus l'humide gaîté
Du plus délirant de tous nos tantôts

La petite épouse et la fille aînée

Avait reparue avec la toilette
Et c'était déjà notre destinée
Qui me regardait sous votre voilette

Soyez pardonnée ! Et c'est pour celà
Que je garde, hélas ! avec quelque orgueil
En mon souvenir, qui vous cajola,
L'éclair de côté que coulait votre œil.

---

Je vous vois encor ! En robe d'été
Blanche et jaune avec des fleurs de rideaux.
Mais vous n'aviez plus l'humide gaîté
Du plus délirant de tous nos tantôts.

La petite épouse et la fille aînée

Avait reparue avec la toilette
Et c'était déjà notre destinée
Qui me regardait sous votre voilette.

Soyez pardonnée ! Et c'est pour cela
Que je garde, hélas ! avec quelque orgueil,
En mon souvenir qui vous cajola,
L'éclair de côté que coulait votre œil.
Je vous vois encor ! En robe d'été
Blanche et jaune avec des fleurs de rideaux.
Mais vous n'aviez plus l'humide gaîté
Du plus délirant de tous nos tantôts.

La petite épouse et la fille aînée
Etait reparue avec la toilette
Et c'était déjà notre destinée
Qui me regardait sous votre voilette.

Soyez pardonnée ! Et c'est pour cela
Que je garde, hélas ! avec quelque orgueil,
En mon souvenir qui vous cajola,
L'éclair de côté que coulait votre œil.
Par instants je suis le Ppauvre Navire
Qui court dématé parmi la tempête
Et, ne voyant pas Notre Dame luire
Pour l'engouffrement en priant s'apprête.

Par instants je meurs la mort du Pécheur
Qui se sait damné s'il n'est confessé
Et, perdant l'espoir de nul confesseur,
Se tord dans l'Enfer, qu'il a devancé.

O mais ! par instants, j'ai l'extase rouge
Du premier chrétien sous la dent rapace,
Qui rit à Jésus témoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un
oeil de sa face !
Par instants je suis le pauvre navire
Qui court démâté parmi la tempête,
Et ne voyant pas Notre-Dame luire
Pour l'engouffrement en priant s'apprête.

Par instants je meurs la mort du pécheur
Qui se sait damné s'il n'est confessé,
Et, perdant l'espoir de nul confesseur,
Se tord dans l'Enfer qu'il a devancé.

O mais ! par instants, j'ai l'extase rouge
Du premier chrétien, sous la dent rapace,
Qui rit à Jésus témoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un
oeil [nerf] de sa face !
Par instants je suis le pauvre navire
Qui court
dématé parmi la tempête,
Et ne voyant pas Notre-Dame luire
Pour l'engouffrement en priant s'apprête.

Par instants je meurs la mort du pécheur
Qui se sait damné s'il n'est confessé,
Et, perdant l'espoir de nul confesseur,
Se tord dans l'Enfer qu'il a devancé.

O mais ! par instants, j'ai l'extase rouge
Du premier chrétien, sous la dent rapace,
Qui rit à Jésus témoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un nerf de sa face !

Bruxelles, Londres  7bre 8bre 72

Bruxelles-Londres – Septembre-Octobre 1872

Bruxelles-Londres – Septembre-Octobre 1872

 


 

 

AQUARELLES

 

Manuscrit 1874 1887

Greens

Green

Green

     
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches,
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront

Entre vos jeunes seins laissez dormir rouler ma tête
Toute sonore
encore encor de vos derniers baisers
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête
Et que je dorme un peu puisque vous reposez
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches,
Et puis voici mon cœur,  qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches,
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue, à vos pieds reposée,
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Entre vos jeunes seins [Sur votre jeune sein] laissez rouler ma tête
Toute sonore
encor[e] de vos derniers baisers ;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête
,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches,
Et puis voici mon cœur
, qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue
, à vos pieds reposée,
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers ;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

 


 

Manuscrit 1874 1887

Spleen

Spleen

Spleen

     
Les roses étaient toutes rouges,
Et les lierres étaient tout noirs.

Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.

Le ciel était trop bleu, trop tendre,
La mer trop verte et l'air trop doux

Je crains toujours, - ce qu'est d'attendre !
Quelque fuite atroce de vous.

Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,

Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas !

Les roses étaient toutes rouges,
Et les lierres étaient tout noirs.

Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.

Le ciel était trop bleu, trop tendre,
La mer trop verte et l'air trop doux.

Je crains toujours, - ce qu'est d'attendre !
Quelque fuite atroce de vous.

Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,

Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas !

Les roses étaient toutes rouges,
Et les lierres étaient tout noirs.

Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.

Le ciel était trop bleu, trop tendre,
La mer trop verte et l'air trop doux.

Je crains toujours, - ce qu'est d'attendre !
Quelque fuite atroce de vous.

Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,

Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas !


Manuscrit 1874 1887

Streets

I

Streets

I

Streets

I

     
                 Dansons la gigue !

J'aimais surtout ses jolis yeux
Plus clairs que l'étoile des cieux
J'aimais ses yeux malicieux.

                 Dansons la gigue !

Elle avait des façons vraiment
De désoler un pauvre amant
Que c'en était vraiment charmant !

                 Dansons la gigue !

Mais je trouve encore meilleur
Le baiser de sa bouche en fleur
Depuis qu'elle est morte à mon cœur

                 Dansons la gigue !

Je me souviens, je me souviens
Des heures et des entretiens,
Et c'est le meilleur de mes biens.

                 Dansons la gigue !

                                     Soho

                 Dansons la gigue !

J'aimais surtout ses jolis yeux,
Plus clairs que l'étoile des cieux,
J'aimais ses yeux malicieux.

                 Dansons la gigue !

Elle avait des façons vraiment
De désoler un pauvre amant,
Que c'en était vraiment charmant !

                 Dansons la gigue !

Mais je trouve encore meilleur
Le baiser de sa bouche en fleur,
Depuis qu'elle est morte à mon cœur.

                 Dansons la gigue !

Je me souviens, je me souviens
Des heures et des entretiens,
Et c'est le meilleur de mes biens.

                 Dansons la gigue !

                                     SOHO

                 Dansons la gigue !

J'aimais surtout ses jolis yeux,
Plus clairs que l'étoile des cieux,
J'aimais ses yeux malicieux.

                 Dansons la gigue !

Elle avait des façons vraiment
De désoler un pauvre amant,
Que c'en était vraiment charmant !

                 Dansons la gigue !

Mais je trouve encore meilleur
Le baiser de sa bouche en fleur,
Depuis qu'elle est morte à mon cœur.

                 Dansons la gigue !

Je me souviens, je me souviens
Des heures et des entretiens,
Et c'est le meilleur de mes biens.

                 Dansons la gigue !

                                     SOHO


Manuscrit 1874 1887

II

II

II

     
O la rivière dans la rue !
Fantastiquement apparue

Entre deux murs hauts de cinq pieds,
Elle roule sans un murmure
Son onde opaque et pourtant pure
Par les faubourgs pacifiés.

La chaussée est très large, en sorte
Que l'eau jaune comme une morte

Coule Dévale ample et sans nuls espoirs
De rien refléter que la brume,
Même alors que l'aurore allume
Les cottages jaunes et noirs.

                                       Paddington

O la rivière dans la rue !
Fantastiquement apparue

Entre deux murs hauts [Derrière un mur haut] de cinq pieds,
Elle roule sans un murmure
Son onde opaque et pourtant pure,
Par les faubourgs pacifiés.

La chaussée est très large, en sorte
Que l'eau jaune comme une morte
Dévale ample et sans nuls espoirs
De rien refléter que la brume,
Même alors que l'aurore allume
Les cottages jaunes et noirs.

                                       PADDINGTON

O la rivière dans la rue !
Fantastiquement apparue
Derrière un mur haut de cinq pieds,
Elle roule sans un murmure
Son onde opaque et pourtant pure,
Par les faubourgs pacifiés.

La chaussée est très large, en sorte
Que l'eau jaune comme une morte
Dévale ample et sans nuls espoirs
De rien refléter que la brume,
Même alors que l'aurore allume
Les cottages jaunes et noirs.

                                       PADDINGTON


Manuscrit Blémont 1874 1887

the child wife

The pretty one [Child Wife]

Child Wife

     
Vous n'avez rien compris à ma simplicité
          Rien, ô ma pauvre enfant,
Et c'est avec un front éventé, dépité
          Que vous fuyez devant.

Vos yeux qui ne devaient refléter que douceur,
          Pauvre cher bleu miroir,
Ont pris un ton de fiel, ô
déplorable sœur,
          Qui nous fait mal à voir.

Et vous gesticulez avec vos petits bras
          Comme un héros méchant.
En poussant d'aigres cris poitrinaires, hélas !
          Vous qui n'étiez que chant !

Car vous avez eu peur de l'orage et du cœur
          Qui grondait et sifflait,
Et vous bêlâtes vers votre mère, ô douleur,
          Comme un triste agnelet,

Et vous
n'aurez pas su la lumière et l'honneur
          D'un amour brave et fort

Grave Joyeux dans le malheur, grave dans le bonheur,
          Jeune jusqu'à la mort.
Vous n'avez rien compris à ma simplicité,
          Rien, ô ma pauvre enfant !
Et c'est avec un front éventé, dépité,
           Que vous fuyez devant.

Vos yeux qui ne devaient refléter que douceur,
          Pauvre cher bleu miroir,
Ont pris un ton de fiel, ô lamentable sœur,
          Qui nous fait mal à voir.

Et vous gesticulez avec vos petits bras
          Comme un héros méchant,
En poussant d'aigres cris poitrinaires, hélas !
          Vous
[qui] n'étiez que chant !

Car vous avez eu peur de l'orage et du cœur
          Qui grondait et sifflait,
Et vous bêlâtes vers votre mère - ô douleur ! -
          Comme un triste agnelet.

Et vous n'
avez pas su la lumière et l'honneur
          D'un amour brave et fort,
Joyeux dans le malheur, grave dans le bonheur,
          Jeune jusqu'à la mort !
Vous n'avez rien compris à ma simplicité,
          Rien, ô ma pauvre enfant !
Et c'est avec un front éventé, dépité,
          Que vous fuyez devant.

Vos yeux qui ne devaient refléter que douceur,
          Pauvre cher bleu miroir,
Ont pris un ton de fiel, ô lamentable sœur,
          Qui nous fait mal à voir.

Et vous gesticulez avec vos petits bras
          Comme un héros méchant,
En poussant d'aigres cris poitrinaires, hélas !
          Vous qui n'étiez que chant !

Car vous avez eu peur de l'orage et du cœur
          Qui grondait et sifflait,
Et vous bêlâtes vers votre mère - ô douleur ! -
          Comme un triste agnelet.

Et vous n'avez pas su la lumière et l'honneur
          D'un amour brave et fort,
Joyeux dans le malheur, grave dans le bonheur,
          Jeune jusqu'à la mort !

Londres, 2 Avril 1873

   

Manuscrit 1874 1887
     
A poor young shepherd A poor young shepherd A poor young shepherd
     
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J'ai peur d'un baiser !

Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis...
Oh ! que j'aime Kate !

C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin...
La terrible chose
Que Saint-Valentin !

Elle m'est promise
Fort heureusement
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !

J'ai peur d'un baiser, etc.
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !

Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis.
Oh ! que j'aime Kate !

C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin...
La terrible chose
Que Saint-Valentin !

Elle m'est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !

J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J'ai peur d'un baiser !

Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis.
Oh ! que j'aime Kate !

C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin...
La terrible chose
Que Saint-Valentin !

Elle m'est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !

J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !

Manuscrit 1874 1887
     

Beams

Beams

Beams

     
Elle voulut marcher aller sur les flots de la mer
Et comme un vent bénin soufflait une embellie
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie
Et nous voilà marchant par le chemin amer.

Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'étaient des rayons d'or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues - ô délice !

Des oiseaux blancs volaient alentour mollement
(Des) Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches
Parfois de grands warechs filaient en longues branches
Nos
pas pieds glissaient d'un pur et large mouvement.

Elle se retourna doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés,
Et Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés
Elle reprit sa route
en portant haut la tête
Elle voulut aller sur les flots de la mer,
Et comme un vent bénin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.

Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds
citaient [c’étaient] des rayons d'or
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues. - O délice !

Des oiseaux blancs
volèrent [volaient] alentour mollement,
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement.


Elle se retourna doucement, inquiète [se retourna, doucement inquiète]
De ne nous croire pas pleinement rassurés ;
Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés,
Elle reprit sa route en portant
[et portait] haut la tête.
Elle voulut aller sur les flots de la mer,
Et comme un vent bénin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.

Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'étaient des rayons d'or
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues, ô délice !

Des oiseaux blancs volaient alentour mollement,
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement.

Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés ;
Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés,
Elle reprit sa route et portait haut sa tête.

Douvres-Ostende, à bord de la "Princesse de Flandres",  4 avril 73

Rouvre [Douvres]-Ostende, à bord de la PRINCESSE [COMTESSE]-DE-FLANDRE, 4 avril 1873

Douvres-Ostende, à bord de la Comtesse-de-Flandre,
4 Avril 1873