Ce site est consacré, non à Verlaine, mais à Romances sans paroles.

Il y a encore beaucoup à dire sur ce recueil...

A la différence des Poèmes saturniens, des Fêtes galantes, de La Bonne Chanson, de Sagesse, de Bonheur et même, récemment, de Cellulairement, les Romances n'ont pendant longtemps fait l’objet d’aucune édition critique distincte, hormis en Angleterre grâce à D. Hillery. Le fait apparaît étonnant si l’on songe à la réputation de ce petit livre, écrit Rimbaud " étant là ", et à la singularité qu’on lui prête : il viserait à la musicalité par l’exténuation du sens. Mais peut-être a-t-on jugé l’effort inopportun, en raison de l’inégalité d’inspiration comme de la minceur du recueil… C’est ainsi qu’on a continué de parler de l’impair comme si c’était une catégorie de l’œuvre et non l’effet d’une approche externe, strictement arithmétique, du mètre ; c'est ainsi qu’on a ignoré le rôle de l’énonciation, la régression amoureuse qui organise les Aquarelles ou encore, détail mais qui relativise la thèse d’une prosodie privilégiant les " sons les plus typiquement français ", tel jeu de mots bilingue (A poor young Shepherd / " J’ai peur d’un baiser… ").

La lacune éditoriale vient enfin d'être comblée grâce à Steve Murphy (Champion, 2003). Cela me dispensera de développements sur la genèse du recueil et, pour ce qui est des états du texte, je me limiterai à une présentation synoptique sans aucun commentaire. Mais, sous réserve d'un examen plus attentif, il me semble que cette édition critique, irremplaçable comme telle, ne touche que très peu à la composition du recueil, n'élucide pas la valeur du titre, ne s'attache guère à la syntaxe, etc. Ce site ne fait donc double emploi avec aucun livre.

 

Un recueil-école mais, surtout, un livre

Le propos est ici, avant tout, d'examiner comment un recueil devient livre ; comment tout y signifie, en interaction.

Tentative d’épuisement de l’objet Romances sans paroles ? Ce rêve d’exhaustivité serait évidemment vain, mais la taille du recueil permet de procéder à des dénombrements complets avant de formuler des hypothèses et elle facilite en tout cas l’étude de l’ensemble des relations susceptibles de se nouer au sein d’un objet aussi complexe qu’un livre de poèmes.

Dirigé contre les lectures sélectives, "anthologiques", de l'oeuvre, ce travail a également été mené en réaction contre les " manuels d’analyse du texte poétique " dont les auteurs puisent n'importe où les exemples ad hoc. D’une certaine façon, il s’agit toutefois de conduire la même entreprise, mais sur un livre, l’unité de cadre jouant alors un rôle critique : on espère y trouver un rempart aussi bien contre les généralisations et les rapprochements abusifs qu’un moyen de déceler des interactions uniques, autrement peu perceptibles. Revers de la médaille : rien n’assure que les conclusions ou la méthode soient (aisément) transposables, en particulier à des recueils dont la composition ne serait pas clairement établie.

 

La "conception" du site

Le chantier est encore en cours, pour longtemps. On trouvera déjà ici l'équivalent de plus de 300 pages, organisées selon le plan donné dans la page d'accueil, à gauche. Une lecture continue est donc possible à partir de ce sommaire mais, outre qu’elle permet de réviser ad libitum, la "mise en ligne" autorise l'introduction de quelques usuels : états du texte, bibliographie, étude des références, liste de "liens" et, ce qui intéressera certains, index des explications de poèmes… Pour ceux qui reviendraient, un "journal de bord" annoncera les nouveautés ou fixera des échéances qui, bien entendu, ne seront presque jamais respectées. Une synthèse d'une trentaine de pages mettra un jour le point final à l'entreprise.

J'ai essayé d'être utile aussi bien à des lycéens qu'à des professeurs ou à des étudiants, bannissant les références théoriques autant qu'il était possible. J'ai en effet le sentiment que les études de texte survivent actuellement mieux que les théories, qui doivent donc se faire discrètes... pour résister. Du reste, je ne suis qu'un meschonnicien tendance "bricolo", au mieux, et le maître désavouerait certainement bien des analyses de détail, même si je prétends qu'elles portent davantage sur des séries (desinit, pronoms...) que sur des niveaux à proprement parler. D'autre part, dès que j'en arriverai à la prosodie, il me faudra exposer quelques interrogations, en particulier sur les biais introduits par la notation du rythme telle que la propose notamment le traité rédigé en collaboration avec Gérard Dessons (Dunod, 1998). Je tenterai de développer une conception fondée sur l'interaction, et le rythme se retrouvera à la fin, comme relation construite (plus que synthèse) de la syntaxe, de la prosodie, de la versification même. C'est du moins le pari que je me suis lancé et je n'ignore pas qu'il est risqué puisqu'il revient à démontrer une primauté par la méthode paradoxale, procédé qui frise selon toute apparence l'absurde...

La construction de ce site n’est guère élaborée. Et la page d'accueil manque singulièrement d'attrait. Tout cela s’arrangera peut-être avec le temps...

Christian Hervé
épitomiste du service public
et (ceci pour rassurer)

ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm
agrégé de lettres modernes

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